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un courtisan, avait fait réfléchir Grégoire XI ; mais il lisait, en même temps, le pamphlet d’un moine français contre Pétrarque et contre Rome, écrit en vers latins, sur ce texte édifiant : « Un homme est descendu de Jérusalem à Jéricho, et il est tombé dans une bande de voleurs. » Jéricho, c’était Rome et le patrimoine apostolique. Les parens de Grégoire répétaient à leur fils que ce coin de France était le plus beau royaume du monde pour le chef de l’église, et les bonnes gens d’Avignon lui faisaient sonner aux oreilles le proverbe inventé par des Provençaux : « Rome est là où se trouve le pape. » De son côté, l’Italie entrait dans une période révolutionnaire qui atteignit très vite sa crise aiguë. Le parti gibelin, mené par les Visconti, le parti guelfe, communal et républicain, que les progrès du régime tyrannique irritaient ; la démagogie des grandes cités, exaspérée par la misère du temps, toutes les forces ordonnées et toutes les passions brutales de la péninsule se rapprochaient et s’entendaient contre l’église. Puisque l’église ne voulait plus de Rome, de quel droit prétendait-elle opprimer Rome et les villes vassales de l’ancienne métropole pontificale ? L’œuvre sanglante et fragile du cardinal espagnol Albornoz qui, sous Innocent VI et Urbain V, avait imposé, par la terreur, aux états de l’église des vicaires ou des légats en grande partie Français, fut détruite en quelques mois. Ces légats du saint-siège versaient, à la vérité, de l’huile sur le feu et perdaient par leurs violences les cités que le pape leur avait confiées. A Pérouse, une dame noble se jetait par une fenêtre de son palais pour échapper au neveu de Gérard du Puy, abbé de Montmayeur. Ce neveu enlevait une autre femme que son oncle le condamnait à rendre, sous peine de mort, dans le délai raisonnable de cinquante jours. A Bologne, le cardinal Guillaume Noellet louait du condottiere anglais Hawkwood, l’Aguto des Italiens, l’une de ces compagnies épouvantables qui passaient tour à tour par le service de tous les tyrans et ne laissaient sur leur chemin que des ruines ; le légat baptisa cette troupe de brigands du nom de sainte compagnie, et la lança contre la Toscane. Florence leva sa bannière rouge où était brodé en lettres d’argent le mot Libertas, fit alliance avec Bernabo et appela l’Italie entière à la guerre contre l’église. Quatre-vingts villes, Pise, Lucques, Sienne et Arezzo, presque toute la Toscane, la reine Jeanne de Naples, s’unirent autour de Florence. En cette dernière ville la révolution tourna, dès le premier jour, en véritable jacquerie. Non-seulement les biens ecclésiastiques furent confisqués et vendus, les cachots de l’inquisition démolis, les tribunaux d’église supprimés, mais, aux cris de : « Mort aux prêtres ! Vive la liberté ! » la populace écartelait les clercs et les moines ou les enterrait vivans ; un prieur