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comte Herbert de Bismarck se sont entretenus des affaires de l’île de Crète, à laquelle l’Allemagne s’intéresse par suite du prochain mariage d’une jeune sœur de l’empereur Guillaume avec le prince héritier de la couronne de Grèce, il est peu probable qu’ils se soient entendus sur une solution qui aurait, dans tous les cas, à obtenir l’assentiment des autres puissances, sans parler de la Porte elle-même.

L’Angleterre, d’après le langage de lord Salisbury, semblerait assez peu disposée à précipiter les choses de ce côté, d’autant qu’elle a une affaire qui l’intéresse beaucoup plus : celle de l’Egypte. L’Angleterre n’est point évidemment pressée de quitter les bords du Nil, de faire honneur à ses engagemens, qu’elle a eu d’ailleurs l’art de subordonner à la sécurité intérieure de l’Egypte. Elle ne manque jamais de prétextes pour prolonger son occupation, et elle vient d’être servie une fois de plus selon ses vœux par un événement heureux pour ses armes comme pour sa politique. Les bandes soudanaises du mahdi, de celui qui a succédé à l’ancien mahdi, se sont agitées depuis quelque temps et ont menacé de déborder sur la Basse-Egypte. Le général anglais Grenfell a marché sur elles et leur a infligé un échec sanglant ; il les a décimées et dispersées, c’est ce qu’on appelle la bataille de Toski. L’incident ne pouvait venir plus à propos, au moment où la question de la durée de l’occupation semblait renaître, et lord Salisbury s’est hâté d’en conclure que l’heure n’était pas venue de se retirer des bords du Nil, de laisser l’Egypte sans défense. Il ne renie pas, il le disait hier encore dans la chambre des lords, les engagemens qu’a pris l’Angleterre, il en réserve l’exécution pour un avenir indéterminé. C’est la moralité de la bataille de Toski ! La question est encore une fois ajournée sans être résolue.

Ce n’est plus guère la saison des parlemens. A l’exception de l’Angleterre où la session se prolonge encore, presque tous les pays ont vu déjà assemblées et ministres fuir devant l’été peu propice aux luttes et aux agitations parlementaires. L’Espagne à son tour, comme d’autres pays, a retrouvé depuis quelques jours un calme momentané, le calme de la saison. Avec la séparation des chambres, les scènes tumultueuses du congrès ont cessé. La reine régente, accompagnée du petit roi, de la cour, du président du conseil, du ministre des affaires étrangères, a pris le chemin des côtes basques, de Saint-Sébastien, où elle va tous les ans chercher le repos et l’air salubre de la mer. Les hommes politiques sont partis pour leurs provinces ou pour Biarritz et rendront visite à l’Exposition parisienne. La paix règne à Madrid à demi dépeuplé. C’est fort heureux pour l’Espagne, pour le ministère de M. Sagasta. Il était temps que l’été vînt mettre fin au combat en dispersant les combattans, que la saison fît ce miracle d’en finir, ne fût-ce que pour quelque temps, avec les querelles de partis, avec les discours, les incidens et les crises toujours possibles. On aura du moins au-delà des