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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août.

Si ce n’était le lendemain avec son inconnu, avec ses réveils, il y aurait plaisir à voir comment, dans ce pays aux impressions changeantes, dans cette ville qui s’appelle la ville-lumière, on oublie la politique, les élections, le Centenaire, la haute-cour et le reste, pour recevoir les têtes couronnées sous la république.

Paris, il est vrai, n’a point eu jusqu’ici la fortune de compter parmi ses hôtes les rois de l’Occident, qui sont occupés ailleurs, qui passent des revues de leurs armées et de leurs flottes pour le bien de la paix. Il a vu tout au plus quelques princes de l’Europe, en vacances, qui ont passé sans bruit. En revanche, il a reçu les rois de l’Orient : le souverain de la Grèce, le shah de Perse, des princes de l’Annam, — et même un roi nègre, qui n’a pas eu le temps d’étudier les droits de l’homme. Le shah de Perse, une vieille connaissance des dernières expositions, a eu entre tous, depuis quelques jours, le privilège d’être le héros du moment, l’hôte bienvenu et fêté. M. le président de la république, M. le président du conseil, M. le ministre des affaires étrangères, la population elle-même, rivalisant de bon accueil, ont mis tout leur zèle à faire honneur au roi des rois. On lui a offert tout ce qu’il pouvait désirer, peut-être même plus qu’il ne désirait, des banquets, des galas, une représentation à l’Opéra, une promenade à Versailles, le spectacle toujours nouveau de l’Exposition, avec les musiques jouant l’hymne persan. Il s’est montré constellé de diamans, il a distribué des décorations au monde officiel, de l’argent aux exposans, des complimens à ceux qui se contentent de peu. Il a eu tous les succès, — il a éclipsé le roi Dinah-Salifou ! Paris s’arrangerait visiblement de recevoir des princes, fût-ce des princes orientaux ; il s’en arrangerait peut-être mieux que des célébrations subreptices et suspectes de l’anniversaire du 10 août, que le conseil municipal se permet sous le regard complaisant et paternel des ministres, trop occupés, sans doute, à fêter