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mètres derrière le château. Il est resté aujourd’hui tel que le vit l’enfance du futur cardinal. Le curé de Braye était le chapelain de Suzanne de La Porte ; il venait à pied, au château, célébrer l’office. Dans la crypte de son église reposaient les corps des Clérembault et des Richelieu, depuis qu’ils étaient venus s’établir en Touraine.

A mi-côte de la colline, montant vers Faye-la-Vineuse, se trouvait Mausson, château plus ancien que Richelieu, mieux situé sur une motte assez forte. Les Du Plessis, après une longue lutte, avaient fini par l’emporter sur les Mausson. Ils avaient acquis le domaine de leurs anciens rivaux ; leur rancune persistante allait bientôt le démolir et ne laisser que quelques ruines insignifiantes d’un château qui, pendant longtemps, avait balancé leur fortune.

Au pied de Richelieu même passait la route de Chinon à Châtellerault, seule voie de communication le rattachant au reste du monde. Suivant le cours de la Veude, puis du Mable, elle venait de Champigny, ce fameux et fastueux Champigny qui appartenait aux Montpensier et dont la proximité écrasante fut pour les Richelieu un objet de déférence, puis d’envie, jusqu’au jour où le fils de la petite famille vassale acheta le grand palais princier, le rasa, comme on avait fait de Mausson, et fit servir les pierres à la construction d’un autre château plus riche encore.

Au sud, la route de Châtellerault se dirigeait vers le village ou plutôt la villette de Faye-la-Vineuse. Richelieu dépendait de la châtellenie de ce lieu. Faye était le véritable centre d’approvisionnement de la région. Grimpée fort joliment sur le haut des collines crayeuses qui dominent de loin Richelieu, elle offrait encore aux regards son enceinte fortifiée, l’ensemble pittoresque de ses toits serrés les uns contre les autres, et ses trois clochers pointus.

Du château de Richelieu, en face vers le couchant, on apercevait la fumée des chaumières de l’humble village de Pouant, et peut-être, dans les temps clairs, distinguait-on, du haut de la lanterne, le donjon de Loudun, profilant sa masse robuste et carrée, à une distance d’environ six lieues.

Chinon, l’Ile-Bouchard, Chavigny, Champigny-sur-Veude, Fontevrault, au nord ; Loudun, Thouars, Montcontour, Mazeuil, à l’ouest ; Mirebeau, Lencloître, Chàtellerault, au sud ; la Guerche, la Haye-Descartes, Sainte-Maure, sur la route de Paris, à l’est ; toiles étaient les principales villes et les plus importuns châteaux du voisinage, ceux dont les noms durent frapper pour la première fois les oreilles des enfans de Suzanne de La Porte.

Il fallait s’éloigner davantage pour atteindre Poitiers et Tours, les deux capitales qui se disputaient la souveraineté de cette région intermédiaire. L’évêque résidait à Poitiers ; mais les impôts se