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que soit l’accusation, elle porte. Les Parisiens s’étaient habitués à croire les délateurs par cela même qu’ils dénonçaient, et à obéir à quiconque commandait au nom du peuple souverain. D’ailleurs, ils avaient assez de Robespierre qui promettait tout, qui ne donnait rien, qui épouvantait les gens paisibles et dérangeait les divertissemens des autres. Ce qui venait de se passer dans la Convention, entre la montagne et la plaine, allait se répéter dans Paris. La terrible formule : hors la loi ! imposait aux plus grossiers. Robespierre l’avait environnée d’une sorte d’horreur sacrée qui tenait de la république des Romains et de l’inquisition des Espagnols. Les sections avaient suivi la commune, parce que la commune possédait la force, et Robespierre parce qu’il personnifiait la Convention. Les commissaires dissipèrent l’équivoque. Les sections virent d’un côté la Convention et de l’autre la commune : elles se prononcèrent pour la Convention qui représentait le peuple, la république, la loi, c’est-à-dire tout ce qui demeurait, dans les esprits, des idées de souveraineté et de gouvernement.

A deux heures du matin, la Convention disposait d’une force armée supérieure à celle de la commune ; mais elle pouvait surtout vaincre la commune parce que cette force qu’elle lui opposait n’était point une force contre-révolutionnaire : c’était la révolution même ou armes, réagissant sur elle-même pour se sauver de ses propres-excès. La Convention prend l’offensive. Barras et Bourdon marchent sur l’hôtel de ville et dispersent les bandes attroupées sur la place. Habituées à tout voir céder devant leur attaque, ces bandes tourbillonnèrent dès qu’elles se virent assaillies par une troupe résolue. Traqués dans l’hôtel de ville, Robespierre le jeune, Couthon, Saint-Just se débattaient dans l’étonnement et l’impuissance ; Maximilien Robespierre, comme figé en lui-même, paralysait par son incertitude en qui subsistait d’entreprise chez les siens. Il n’avait eu qu’une politique : faire peur, toujours plus peur, afin de vivre ; il avait tant fait peur qu’à la fin on allait le tuer. Il ne comprenait pas. Tout à coup, un gendarme du nom de Méda pénètre dans la salle du conseil, un pistolet à la main. Il reconnaît Robespierre affaissé dans un fauteuil, la tête reposant sur la main gauche. Il marche sur lui, tire et lui brise la mâchoire. Les assaillans envahissaient partout. Il y eut comme un vertige de mort. Lebas se brûle la cervelle. Robespierre le ; jeune se jette par la fenêtre. Les autres sont pris. Maximilien Robespierre, frappé à mort, défiguré par sa blessure, son habit bleu de l’Être suprême déchiré en lambeaux, souillé de sang et de poussière, est porté au comité de sûreté générale. On l’y laisse sans secours jusqu’au malin. Un chirurgien le panse alors, afin qu’il puisse paraître au tribunal et figurer