l’athéisme n’ont point disparu du monde avec Brissot, avec Danton, avec Chaumette. Tallien semble même plus exécrable qu’Hérault : il est plus grossier et plus résolu. L’intrigue et l’incrédulité cynique de Fouché sont un danger de toutes les heures. Si Carrier poussait la perversité jusqu’à tourner contre la Montagne son génie de destruction ? La bassesse même de Barère ne semble point une garantie, étant scélérate et fourbe, de sa nature. Les fantômes qui obsèdent l’imagination de Robespierre se multiplient autour de lui. Plus il grandit au milieu des hommes, plus il se sent environné de persécutions et investi de complots. Il ne peut être rassuré que s’il est seul, et l’isolement le remplit d’horreur. Il se juge poussé fatalement à la dictature, et il craint d’y parvenir. Il ne s’est élevé qu’en s’humiliant devant la foule, en promettant l’âge d’or, en dénonçant les scélérats qui en empêchent le règne. S’il s’avance sur le sommet, il se découvrira et se livrera lui-même à l’envie et au soupçon. Il continuera donc à tout niveler, exaltant les petits, avilissant les orgueilleux. Il cherchera son refuge inaccessible aux attaques, non dans la majesté d’un pouvoir imité de celui des rois, mais dans l’humilité cauteleuse du moine qui, du fond de sa cellule, blotti sous son froc, commande dans les génuflexions et, d’un mot prononcé tout bas, se fait obéir jusqu’aux extrémités de la terre. Une puissance si formidable que tous s’y plient, une personne si petite qu’aucun ne la jalouse : voilà, son objet. La foi seule obtient cette obéissance, la religion seule donne ce prestige. Robespierre incline ainsi à la réforme religieuse par les mêmes combinaisons de peur, de calcul et d’utopie qui l’avaient conduit à la Terreur.
Il commença par réduire l’orgueil des militaires, qui grandissait avec leurs victoires. Hoche s’était permis quelque liberté de langage et d’allure : il fut arrêté le 12 avril. La politique, dit Billaud-Varennes quelques jours après, sera fondée sur la justice. « La justice est dans le supplice de Manlius, qui invoque en vain trente victoires effacées par ses trahisons. Quand on a douze armées sous la tente, ce n’est pas seulement la défection qu’on doit craindre ci prévenir ; l’influence militaire et l’ambition d’un chef entreprenant, qui sort tout à coup de la ligne, sont également à redouter. » Cet avertissement donné aux armées, Robespierre s’occupa d’intéresser les prolétaires à la cité de ses rêves. Il multiplia les mesures destinées à procurer l’égalité des biens, à diminuer les grandes fortunes, à subvenir aux besoins des indigens, à rendre uniforme l’éducation de tous les Français. Saint-Just fut le principal artisan de cette tâche, distillant en dogmes sociaux ses amplifications d’écolier et ses songes creux de fanatique.
Cependant Robespierre méditait le Contrat social, au livre IV :