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révolution en la débauchant dans une grande orgie. Il y avait les démocrates autoritaires, les politiques et les pitoyables, ceux qui, avec Danton, jugeaient que l’on avait assez versé de sang, que l’œuvre de terreur était achevée, que le temps était venu d’arrêter la révolution et d’organiser la république. Le puritain propret, en Robespierre, abhorrait Hébert, Chaumette et les mystères de leur Raison lascive ; le rhéteur, rampant sur les mots vides, détestait et redoutait la sève, la force d’action, l’invention pratique, l’esprit d’État, l’extraordinaire puissance d’assimilation que manifestait Danton. Hébertistes et dantonistes le menaçaient ; il résolut de les perdre les uns par les autres.

Ce dessein voulait que la guerre continuât, car la guerre seule, avec ses périls, ses crises, son accompagnement sourd de complots, pouvait légitimer le gouvernement révolutionnaire. C’est pourquoi, le 22 janvier 1794, Barère, annonçant la libération complète de la frontière de l’est, ajouta : « Dans les guerres ordinaires, après de pareils succès, on eut obtenu la paix. Les guerres des rois n’étaient que des tournois ensanglantés. Mais dans la guerre de la liberté, il n’est qu’un moyen, c’est d’exterminer les despotes… Qui donc ose parler de paix ? Les aristocrates, les modérantins, les riches, les conspirateurs, les prétendus patriotes… Il faut la paix aux monarchies, il faut l’énergie guerrière aux républiques. » Le 13 mars, Saint-Just dénonça à la vengeance du peuple deux factions, soudoyées par l’étranger, qui convoitaient la république, l’une pour la bouleverser, l’autre pour la corrompre. La Convention déclara tous les factieux traîtres à la patrie. Le 24 mars, Hébert et ses séides furent exécutés ; le 5 avril, Danton et ses amis les suivirent sur l’échafaud.

Durant ces opérations, la politique chômait. Deforgues minutait des dépêches que le comité ne lisait point. Il obtint, à grand’peine, vers la fin de janvier, l’autorisation de répondre aux demandes réitérées d’instructions que lui adressait Grouvelle, au sujet des ouvertures secrètes du ministre espagnol à Copenhague. La réponse, qui est du 1er février 1794, fut que les insinuations de l’Espagne ne semblaient pas sérieuses et que le temps des négociations n’était pas arrivé. Staël vint à Copenhague ; il y conclut avec le Danemark un traité de neutralité armée. C’était le premier chapitre d’une ligue des neutres, fin des secrétaires de Staël apporta le traité à Paris, annonça que la Suède armait 3 vaisseaux et 4 frégates, et rappela que la république avait promis des subsides. On ne l’écouta point. À Constantinople, Descorches attendait toujours ses quatre millions, et ne recevait pas même de dépêches. Cet envoyé, dit un mémoire de 1795, « était à peu près oublié et