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LA
POLITIQUE DE ROBESPIERRE


I[1]

Lorsqu’au mois de septembre 1793 la Convention mit la Terreur à l’ordre du jour, elle décréta du même coup que Robespierre serait dictateur. Il était l’homme de ce régime, ou plutôt il était la Terreur même personnifiée dans son équivoque : le gouvernement de la peur par la peur, — et, dans son absurdité : l’idée qu’en exterminant un certain nombre de Français on transformerait les autres en Spartiates selon l’imagination de Plutarque, ou en Genevois selon les abstractions de Rousseau. Danton avait réclamé la dictature du comité de salut public : les montagnards organisèrent cette dictature après qu’ils se furent assurés que Danton en serait exclu. Ils l’avaient nommé, le 25 juillet, président de l’assemblée. Cette élection constata la ruine de son crédit. Il eut 161 voix sur 186 votans : les chiffres les plus faibles qu’un président eût encore réunis. Son rôle était fini. Tout ce qui l’avait perdu : son empirisme, le décousu de sa vie, ses reviremens soudains, l’exubérance de sa parole, le prestige même de son audace, le ton de commandement, ce fond d’homme d’État qui se

  1. J’ai employé pour cette étude les ouvrages généraux de Louis Blanc, de Quinet, de M. Taine ; les monographies de MM. Hamel sur Robespierre ; Robinet sur le Procès des Dantonistes ; d’Héricault sur la Révolution de thermidor : de Martel sur Fouché ; colonel Jung sur Bonaparte : Frédéric Masson sur le Département des affaires étrangères ; les papiers trouvés chez Robespierre, les correspondances de Barthélémy, publiées par M. Kaulek ; celles des envoyés de Venise, publiées par Romain ; les Mémoires de Thibaudeau, de Miot, de Ségur ; les documens manuscrits des Affaires étrangères et des Archives nationales.