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Il est à remarquer que d’après Josèphe (Antiq., 10-5-1) Ézéchiel avait laissé deux livres de prophéties. Je crois comme Huet que ce ne livre se composait de ce que je regarde comme une addition. Seulement Huet ne comprenait dans cette addition que les neuf derniers chapitres, tandis que j’y comprends les onze derniers[1].

J’ai déjà dit un mot de la Prière qui forme le chapitre III d’Habacuc : c’est encore une addition du temps d’Hérode. On le reconnaîtrait rien qu’à ces mots : ton Oint (verset 13), pour désigner le prince des juifs, expression qui ne se rencontre pas avant cette époque.


VI

Le livre de Daniel n’était pas compté par les juifs parmi les livres des prophètes. Il ne faut pas se lasser de le redire, puisque l’église catholique le leur a assimilé[2]. Il ne ressemble d’ailleurs à aucun autre, en ce sens que les prophéties qui y sont contenues sont d’un tout autre caractère. Elles y ont, particulièrement au chapitre XI, la précision d’un procès-verbal, auquel il ne manque que les noms propres, et qui suit les rois macédoniens qui ont dominé sur la Judée, depuis Alexandre jusqu’à Antiochus l’Épiphane. Aussi la critique n’a-t-elle eu aucune difficulté à reconnaître que cet écrit ne pouvait être du temps de Cyrus, et Porphyre avait déjà constaté que nécessairement l’écrivain avait vu Antiochus et ses violences contre les juifs. Mais c’était encore le faire trop vieux, et on va voir qu’il ne peut être antérieur au règne d’Hérode, ni même à sa mort.

Nabuchodonosor voit en songe une statue, dont la tête est d’or, la poitrine d’argent, le ventre de cuivre et les jambes de fer ; seulement, aux pieds, le fer est mêlé d’argile. Tout à coup une pierre vient la frapper, qui n’est pas lancée de main d’homme ; et rencontrant les pieds d’argile, elle la fait tomber ; tout est brisé. Puis la pierre grossit et devient une grande montagne, qui remplit toute la terre. Il est clair que les quatre métaux représentent les quatre empires qui se sont succédé à partir des Babyloniens en comptant comme deux empires distincts celui des Mèdes et celui des Perses ; le quatrième est, celui des Macédoniens. Il est clair aussi que la pierre est l’empire romain, qui est l’empire du monde.

Au chapitre VII paraissent quatre bêtes, qui représentent aussi

  1. Si on croit que le verset. 19-23 d’Ézéchiel se rapporte à la mine des Asmonées, il faudra encore regarder ce verset, et peut-être tout le chapitre (qui ne tient en rien à ce qui précède ni à ce qui suit), comme une addition.
  2. Elle a pu s’y croire autorisée par Matth., 24, 15, et Josèphe parle de même (Antiq., 10, 11, 7).