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Mais je dois revenir encore sur les dix-sept chapitres que j’ai étudiés jusqu’ici, pour y considérer, non plus ce qu’ils nous apprennent sur les événemens particuliers de ce temps, ou même sur la situation générale d’Israël, mais le développement de cet esprit religieux qu’on peut appeler chrétien, et qu’on sent déjà dans les prophètes du IIe siècle, mais qui prend ici un accent encore plus vif et plus tendre. Les premières paroles du livre : « Consolez, consolez mon peuple, » en donnent tout de suite le ton (40-1). Et immédiatement après, vient un verset qui a passé dans l’Evangile : « Une voix crie : Frayez dans le désert la voie de Jéhova[1]. » Un peu plus loin : « L’herbe se dessèche, la fleur tombe, mais la parole de Jéhova subsiste à jamais » (40-8). Ou encore : « Les deux s’évanouiront comme une fumée, et la terre s’usera comme une étoile, et ainsi périront ses habitans ; mais ma promesse et ma justice dureront toujours. » (51-6). Comparez Matth. (13-31).

Jéhova est « comme le berger qui conduit son troupeau : il prend dans ses bras les agneaux et les porte dans son sein ; il aide à marcher les brebis pleines » (40-11). Comparez Matth. (12-11). Jéhova est déjà le bon pasteur (Jean, 10-14).

« Cieux, répandez votre pluie et que les nuées nous versent la paix ; que la terre s’ouvre ; que le salut germe et qu’on voie pousser la justice » (45-8). Cet admirable verset n’a pas été reproduit dans le Nouveau Testament, mais l’église chrétienne s’en est emparée et le répète tous les ans dans l’office de Noël : Rorate cœli desuper.

« Sion a dit : « Jéhova m’a abandonné, le Seigneur m’a oublié. Mais est-ce que la femme oublie son nourrisson ? Est-ce qu’elle laisse à l’abandon le fruit de ses entrailles ? Et quand elle oublierait, moi, je ne t’oublierai pas » (49-14). Jéhova est là plus que paternel. »

« Qu’ils sont beaux sur les montagnes, les pieds de celui qui annonce la bonne nouvelle, du messager de bonheur qui apporte le salut, qui dit à Sion : Ton dieu est roi ! » (52-7). C’est le verset que Paul applique à ceux qui prêchent l’évangile (Rom., 10-15) et qui revient dans je ne sais combien de sermons.

« Allons, vous tous qui avez soif, venez, voici l’eau. Quand vous n’auriez pas d’argent, venez, prenez, nourrissez-vous, venez, prenez, sans argent et sans payer, du vin et de lait. Pourquoi donnez-vous de l’argent pour ce qui n’est pas du pain ? Votre peine pour ce qui ne rassasie pas ? Approchez, écoutez ma voix et mangez ce qui est bon ; nourrissez-vous d’une graisse délectable. Prêtez l’oreille et

  1. Matth., 3, III ; mais l’évangéliste a déplacé les mots : dans le désert.