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près d’être engloutie par la puissance romaine, et où tout à coup c’est l’Egypte que Rome dévore, en même temps qu’elle agrandit la Judée, dont le roi l’avait servie à son gré, avec des morceaux de la Syrie qui étaient les dépouilles de Cléopâtre. C’est aussi Jéhova qui envoie à Babel et en fait sortir les Chaldéens (43-14) ; sans doute quand Rome encore réduit la Syrie en province romaine et en chasse les derniers rois syriens. Ce sont les deux grands faits du temps, et il y en avait un autre qui, bien que moins considérable, ne frappait pas moins les Juifs, c’est-à-dire la dégradation des Asmonées, rois et grands-prêtres : « J’ai profané les princes du sanctuaire (43-28). » Suul le peuple juif a grandi ; tous ils prospéreront désormais, car il n’y a plus parmi eux que des fidèles ; « tous appartiennent à Jéhova, tous sont les vrais héritiers de Jacob (44-5). »

Mais ce qui émerveille surtout le poète, c’est l’inattendu, l’inespéré de cette restauration d’Israël. Ni ses ennemis ne prévoient leur ruine, ni lui-même ne prévoyait son salut, car il n’avait rien fait pour le mériter. « Tu n’as pas prodigué l’argent pour m’offrir des parfums ; tu ne m’as pas rassasié de la graisse de tes sacrifices ; tu m’as mis seulement au service de tes péchés. C’est moi qui efface tes péchés pour l’amour de moi (43-24). » Eux-mêmes, les juifs, étaient des aveugles (42-18). Mais comme il insulte à cette astrologie babylonienne qui n’a pas su dire à Babylone ce qui l’attendait (47-14) et généralement à tous ces dieux, incapables de rien savoir ni de rien prédire ! Jéhova seul voit l’avenir et l’annonce (42-9), etc. Pour s’expliquer ces paroles, il faut se rappeler que les prophètes du IIe siècle ont tous célébré l’affranchissement de Juda à la fin de la guerre contre la Syrie, et qu’ils l’ont fait sous la forme de prédictions attribuées aux prophètes des anciens temps. Cette forme de prophétie, subsistant toujours, a paru plus tard se rapporter, non plus à un présent devenu le passé, mais à une situation nouvelle, et c’est ainsi que, quand il s’est produit une restauration, elle a paru avoir été prédite par Jéhova. Qu’ils en fassent autant, ces dieux misérables, s’ils veulent qu’on les croie des dieux (41-23). Mais que sont-ils pour pouvoir entrer en comparaison avec lui (40-25) ? Aussi le Second Isaïe s’exprime, au sujet des idoles, avec une violence de mépris qui dépasse les prophètes antérieurs. « On plante un pin, et la pluie le fait grandir, et on s’en sert pour se chauffer. On en prend du bois, dont on se chauffe ; on en allume le four pour cuire du pain ; avec le reste on fait un dieu et on se prosterne pour l’adorer. On prend un morceau pour brûler ; on en prend un pour cuire la viande ; on la fait rôtir et on s’en régale, ou bien on se chauffe et on dit : « Bon, j’ai chaud, voilà du feu. » On fait ensuite un dieu