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c’est la monture de la paix. Cette image, quand on ne s’est plus soucié d’Hérode, a été transportée au Messie, dont l’idée date de cette même époque, et de là, chez les évangélistes, l’entrée de Jésus sur une ânesse dans Jérusalem. Déjà plus haut, l’écrivain avait figuré la paix d’une autre manière (8-4). « On verra les vieux et les vieilles assis dans les rues de Jérusalem, le bâton à la main à cause du nombre de leurs jours ; tandis que les jeunes garçons et les jeunes filles joueront çà et, là dans les rues. » Pourtant ils auront aussi leurs victoires : « Je tends Juda comme un arc, et je mets dessus Éphraïm (qui est la flèche), et je fais lever tes fils, Sion, contre tes fils, Javan (9-13). » Les fils de Javan, ce sont les Grecs (ceux de la Syrie) ; c’est peut-être une allusion à l’expédition d’Hérode dans la Trachonitide (Antiquités, 16-9-1). Je ne sais si les idoles, détruites à l’époque des grands Asmonées, avaient reparu depuis, pendant les temps des troubles ; mais elles disparaissent cette fois pour jamais (13-2). Zacharie ajoute qu’avec elles disparaît aussi la prophétie, et ce passage est fort curieux : « J’ôterai de cette terre les prophètes et l’esprit d’infidélité. Quand quelqu’un prophétisera, dorénavant son père et sa mère, qui l’auront engendré, lui diront : — Tu ne vivras pas, car tu as proféré le mensonge au nom de Jéhova ; et ils te tueront. Et les prophètes eux-mêmes auront honte de leurs visions, et ils ne se revêtiront plus du manteau de poil pour mentir, disant : — Je ne suis pas prophète ; je travaille la terre ; on m’a acheté pour cela tout enfant. — Et on lui dira : — Qu’est-ce que ces cicatrices à tes mains ? — et il répondra : — Ce sont des coups que j’ai reçus dans la maison des miens (12-2-6). »

On a déjà vu quelque chose de cela dans Amos (7-14) ; mais ce n’est pas précisément la même chose. Là ce prophète, à qui on reproche de jeter le trouble dans les esprits, répond que ce n’est pas sa faute, qu’il n’a pas prétendu être prophète, que c’est Jéhova qui l’a fait tel malgré lui. Ici l’homme qui s’est donné pour prophète avoue son mensonge. Zacharie cependant prophétise lui-même, mais probablement il ne prophétisait que par écrit, et ne prenait pas le costume ni les allures de prophète. Ceux qui les prenaient étaient obligés de les désavouer. La prophétie, déjà suspecte peut-être sous le premier Hyrcan, l’était devenue bien davantage, sous un pouvoir d’autant plus ombrageux que lui-même il a un maître, et qu’il aurait à répondre aux Romains de tout ce qu’il aurait permis. S’il y a encore des prophéties, c’est à condition qu’elles soient très discrètes. Si chez nous un pouvoir supprimait la presse, il n’en aurait pas moins ses journaux. La prophétie de Zacharie est une prophétie de gouvernement.