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« L’orgueil d’Assur est abattu, dit Zacharie, et le sceptre de l’Egypte lui est retiré (10-11). » Il parle encore là comme Aggée. Le royaume d’Egypte avait fini quelques années avant qu’Hérode commençât la reconstruction du Temple.

Puis vient le tableau des malheurs et de la ruine des Asmonées : « Les cèdres du Liban sont abattus (11-1). » — « En un mois, dit Jéhova, j’ai retranché trois pasteurs (11-8). » En un mois, c’est-à-dire en un court espace : il s’agit du second Hyrcan, d’Aristobule et d’Antigone. Le pasteur supérieur, Jéhova, ne se charge plus de conduire le troupeau et brise sa houlette. Il demande cependant (ou le prophète demande en son nom) qu’on lui paie le prix de la peine qu’il s’était donnée jusque-là, et on lui paie en effet trente sicles d’argent (11-12), qui sont versés au trésor du Temple. Je ne cite ce passage singulier et obscur que parce que c’est de là que vient, dans les Evangiles, l’histoire des trente deniers de Juda.

Quant au mauvais pasteur du verset 16, c’est sans doute Antigone, celui qui régnait au moment où Hérode, aidé des Romains, lui a arraché la royauté avec la vie.

Au chapitre suivant (12-2), une ivresse s’empare des peuples et leur fait assiéger Jérusalem, et Juda même l’assiège avec eux. Juda, c’est Hérode lui-même, en compagnie de Sossius, et c’est en effet la première fois, et la seule fois dans l’histoire, qu’on voie des Juifs assiéger Jérusalem. Le prophète revient plus loin sur un fait aussi étrange (12-7 et 14-14). Il est impossible d’expliquer ce passage d’une manière satisfaisante, si on ne se place pas au temps d’Hérode.

Mais, pour l’avenir, Jérusalem n’a plus maintenant rien à craindre : le plus faible y est désormais un David, et la maison de David (c’est-à-dire la royauté) y est un dieu : « c’est l’ange de Jéhova qui marche devant son peuple (12-8). »

« Et Jéhova répand sur la maison de David et sur les habitans de Jérusalem un esprit d’affection et d’imploration, et ils se tournent vers moi, vers celui qu’ils ont déchiré, et ils pleurent comme sur un premier-né, comme sur un fils unique (12-10). » Ce déchiré métaphorique pouvant être pris aussi au sens propre[1], on trouve ce verset, dans le quatrième évangile (19-37), appliqué au Christ mis en croix.

Cependant, Juda règne d’une mer à l’autre (9-10) et fait régner la paix autour de lui. Plus d’armes, plus de chars de guerre. Son roi fait son entrée sur l’âne, sur le poulain, fils de l’ânesse (9-9)[2] ;

  1. Gesenius, p. 230.
  2. Le mot de poulain est le seul que je trouve à employer.