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en ce genre, il lui fut donné de faire une chose qui força tout Israël à le célébrer. Il reconstruisit le Temple, maltraité par les Syriens et par les Romains, et il en fit un monument digne du prestige qui entourait alors le dieu. Déjà si obligés à un prince qui les avait nourris dans la famine, et qui rebâtissait les maisons détruites par un tremblement de terre, ses sujets, je dis les plus dévots mêmes, ne pouvaient ne pas lui savoir gré d’avoir restauré le Temple de Jehova. Ce Temple attirait maintenant les yeux de tous les peuples, car si Juda paraissait avoir grandi, le judaïsme avait grandi bien plus encore.

La propagande israélite, qui avait commencé bien avant l’époque des Asmonées, avait fait depuis des progrès considérables, pour des raisons que j’ai développées ailleurs, mais qui ne sont pas ici de mon sujet. Les Israélites formaient une espèce d’association internationale, qui pénétrait peu à peu dans l’empire romain tout entier. On voit par Varron que leur religion, en même temps qu’elle s’étendait parmi les petits et les humbles, occupait déjà les esprits curieux et réfléchis. Strabon dit qu’il n’y avait pas de cité où il n’y eut une colonie d’Israël, avec laquelle il fallait compter. L’importance de la religion de Jéhova était arrivée à son comble précisément à l’époque du règne d’Hérode, et Hérode lui-même y ajoutait.

Enfin les destinées de ses héritiers, à la fois tristes et mesquines, liront ressortir encore sa gloire, et on l’appela Hérode le Grand[1]. On comprend donc que ce règne ait eu aussi une littérature, non pas égale sans doute à celle de la fin du IIe siècle, car celle-ci était éclose aux rayons de la liberté, non de la faveur d’un maître ; mais cette littérature royale a pu cependant avoir ses beaux jours et être goûtée et applaudie. Voyons si on reconnaît en effet l’influence du règne d’Hérode dans les prophéties d’Aggée et de Zacharie.

Toutes deux sont censées célébrer la reconstruction du Temple par Zorobabel, mais il est aisé de voir que ce n’est pas cela dont il s’agit en réalité. On lit tout d’abord (1-2) : « Ainsi parle Jéhova Sabaoth : Ce peuple dit : Le temps n’est pas venu, le temps de bâtir le Temple de Jehova… Mais est-il temps pour vous d’habiter vos maisons lambrissées, tandis que la mienne est abandonnée ? » Ces paroles ne s’expliquent guère au temps de Zorobabel ; mais au temps d’Hérode, elles s’expliquent très bien par le témoignage de Josèphe (Antiq., 15-11-1). Le roi n’étant pas populaire, la foule ne croyait pas à ses promesses, et peut-être

  1. Josèphe (Antiquités, 18, 5, 4).