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Un objectif principal, qu’il faut savoir distinguer des objectifs secondaires ;

Des bases d’opérations, qu’il faut choisir et distribuer logiquement ;

Des lignes de communications, dont la création et l’entretien s’imposent avec d’autant plus d’urgence que les lignes d’opérations s’allongent.

Nous avons montré, avec la réserve que comporte un tel sujet, de quel intérêt était pour nous la connaissance exacte des moyens d’action de nos adversaires éventuels.

Nous avons surtout insisté sur la nécessité d’appliquer sur mer le principe essentiel de l’art de la guerre dans les temps modernes : « détruire l’armée principale de l’ennemi ; » et nous avons fait remarquer que les engins actuels se prêtent mieux aux coups vigoureux et rapides qu’aux opérations lentes et méthodiques.

Chemin faisant, nous avons fait justice de cette prétendue « guerre industrielle » que l’on prône autour de nous sans se donner la peine d’en peser les véritables conséquences.

Notre tâche est terminée : nous espérons avoir montré qu’il y a une stratégie navale.

Et si, dans la dernière partie de cette étude, obéissant à une intime conviction, nous avons reconnu que les combinaisons stratégiques des flottes finissaient le plus souvent par se lier à celles des armées, conclurons-nous, infirmant ainsi nos prémisses, qu’il n’y a, au fond, qu’une seule stratégie ?

Non, la distinction est bien réelle : nous en avons fourni des preuves quand nous avons noté la différence de constitution des bases d’opérations, quand nous avons signalé la nécessité de créer à l’avance les points d’appui qui jalonnent la ligne de communications d’une armée navale.

Ainsi, l’application des principes généraux qui régissent tous les conflits des peuples armés ne saurait être réalisée sur terre et sur mer que par des voies différentes. Il semble que de ces principes essentiels, comme d’une source unique, découlent deux grands codes qui édictent, en vue de circonstances analogues, mais non pas semblables, des lois nettement séparées. Il y a donc une stratégie navale.