divisions se composaient en général d’un petit nombre de vaisseaux et de grosses frégates, choisis parmi les mieux armés et les meilleurs marcheurs, capables par conséquent de soutenir le combat contre des forces supérieures pendant que le convoi se dispersait, puis de se soustraire aux coups de l’ennemi quand les navires marchands avaient pu gagner une avance suffisante. Souvent aussi le départ d’une flotte marchande, ou son atterrissage, étaient masqués par une entreprise contre notre littoral, que l’on ne manquait pas d’annoncer avec fracas et qui retenait dans nos eaux les forces actives dont nous aurions pu disposer.
Les meilleurs amiraux anglais, les Rodney, les Howe, les Darby, ne s’estimaient point diminués quand on leur confiait le soin d’escorter des convois considérables : ils y consacraient tous leurs soins, toutes les ressources de leur tactique, et les opérations de lord Howe pour faire pénétrer dans la baie de Gibraltar la flotte de transports qui devait ravitailler cette place en 1782, sont longtemps restées des modules du genre.
Cet officier général n’avait cependant que 34 vaisseaux à opposer à l’armée navale franco-espagnole, qui en réunissait 46 sous les ordres de l’amiral don Luis de Cordova. La fortune même lui avait d’abord paru peu favorable, et un calme plat qui l’avait pris à l’entrée du détroit avait obligé sa flotte à le franchir sous la seule impulsion du courant qui porte dans la Méditerranée : le 11 octobre au soir, l’armée anglaise, à l’exception d’un vaisseau et de 4 transports qui avaient réussi à gagner Gibraltar, se trouvait rejetée assez loin de la place : le 13, l’armée alliée, jusque-là retenue par le calme dans la baie d’Algésiras, appareillait au premier souffle de brise et venait s’interposer entre Gibraltar et l’amiral anglais. Malheureusement don Luis de Cordova, leurré par son habile adversaire de l’espoir d’une bataille rangée, se laissa entraîner à suivre de près toutes ses évolutions : les vaisseaux anglais, la plupart doublés en cuivre, étaient de bons marcheurs, et tous les capitaines, attentifs à saisir les intentions de leur chef, secondaient la justesse de ses ordres par la précision de leurs manœuvres. Pendant trois jours lord Howe réussit à refuser le combat tout en gardant le contact de son adversaire, et en se plaçant toujours entre lui et son convoi ; le 17 octobre, enfin, au moment où les vents d’est se prononçaient, lord Howe se trouva plus près du détroit que don Luis de Cordova : en quelques heures, tous les transports avaient pu rentrer dans la rade de Gibraltar, et le 18 l’amiral anglais, sa mission heureusement remplie, se hâtait de faire route à l’ouest pour regagner les côtes d’Angleterre, dont son escadre constituait le seul élément de défense. Le 20 octobre, par un retour de fortune inespéré, la flotte combinée franco-espagnole, qui avait