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nos communications, pour couper nos convois, pour battre notre aile droite, et, plus tard, pour capturer à Savone le parc de siège que Bonaparte destinait à l’attaque de Mantoue ; c’est de là qu’il appareillait, le 12 juillet 1795, pour se jeter sur la flotte française de l’amiral Martin, assez audacieuse pour sortir de Toulon.

Mais le mouillage de Saint-Florent est peu sûr. Nelson s’était bien promis que, commandant en chef, il saurait choisir une base secondaire plus favorable : c’est lui, en effet, qui reconnut, au nord de la Sardaigne, la belle rade à laquelle il donna le nom de l’un de ses vaisseaux, l’Agincourt, bassin tranquille que les îles de Caprera et de la Maddalena défendent contre les vents du détroit de Bonifacio. Laissant à ses agiles frégates le soin d’observer la côte de Provence, il venait là renouveler ses provisions d’eau douce et de vivres, il venait surtout faire goûter à ses équipages quelques nuits de repos bien méritées.

Prévoyait-il, quand il signalait les avantages stratégiques de cette position, quand il disait qu’elle « bloquait naturellement Toulon et Marseille, » et que jamais flotte française ne perdrait de vue la côte de Provence sans qu’il eût le temps de se jeter sur elle et de la prendre en flanc ou en queue, pouvait-il prévoir qu’une nouvelle grande puissance, qu’une marine inconnue de son temps recueillerait avidement ses leçons et ferait de la Maddalena une des plus remarquables bases secondaires qu’on ait jamais organisées pour les armées navales ?

Heureux Italiens, heureux imitateurs, qui devaient déjà leur superbe port de la Spezzia au coup d’œil de Napoléon Ier !


III

Quand une armée s’enfonce en pays ennemi, elle ne manque pas de jalonner sa route, d’étape en étape, par des postes fortifiés ; d’y laisser des troupes mobiles pour les défendre et les relier ; enfin de créer sur cette route précieuse, qui doit lui amener ses renforts, ses vivres et ses munitions, un système de places du moment, points d’appui solides, capables de résister, non-seulement aux coups de main des coureurs et des partisans, mais aux attaques des corps organisés avec lesquels l’ennemi tenterait de s’établir sur la ligne de communications.

Cette organisation défensive de la ligne de communications, tous les maîtres en l’art de la guerre l’ont considérée comme une des tâches les plus difficiles, comme l’objet des plus constans soucis d’un général en chef.

Les flottes ont, elles aussi, des lignes de communications, qui veulent être organisées avec d’autant plus de soin que les lignes