Ainsi, nos « unités de combat, » devenues des usines flottantes, où l’approvisionnement de combustible reste hors de proportion avec la consommation, seront de plus en plus étroitement rivées à la côte et au grand port qui peut seul les ravitailler.
Mais nos arsenaux maritimes réalisent-ils l’idéal de la base la plus rapprochée du théâtre des opérations ?
Sans doute, la position de quelques-uns de ces ports de guerre (et il ne saurait être question de les déplacer) n’a pas été fixée, il y a cent cinquante ans ou deux cents ans, par des considérations du même ordre que celles qui nous préoccupent aujourd’hui.
Rochefort offrait, dans le golfe de Gascogne, à des navires à voiles et à faible tirant d’eau, un abri que les escadres à vapeur de nos jours ne pourraient plus utiliser. Lorient ne dut son existence qu’à une entreprise commerciale de la célèbre compagnie des Indes : l’accès de son port est difficile ; ses ressources sont peu étendues. Cet établissement conserve toutefois une notable importance comme chantier de construction pour les bâtimens en fer.
Brest présentait et présentera toujours les avantages d’une rade spacieuse, d’une belle position géographique aux avancées de l’Europe, et d’une population solidement attachée aux institutions de notre marine. Mais, au point de vue exclusivement militaire, ce grand port n’a de valeur que comme point d’appui des navires chargés de la guerre du large, de la guerre de croisière, dont nous discuterons tout à l’heure la véritable efficacité.
En somme, nos trois arsenaux de l’Océan ont un vice commun et un vice essentiel : ils s’ouvrent sur l’ouest, où, de longtemps, nos escadres n’auront que faire.
Cherbourg et Toulon, seuls, répondent à des objectifs stratégiques nettement caractérisés : ce sont, en même temps que de précieux refuges, des positions offensives dont nos voisins apprécient toute l’importance.
Cependant, depuis que l’axe de notre politique extérieure s’est déplacé, depuis que certains groupemens de puissances nous imposent d’accumuler vers l’est et vers le sud la totalité de nos moyens d’action, Cherbourg, osons le dire, a beaucoup perdu de sa valeur comme position offensive et comme centre de ravitaillement ; Toulon même ne satisfait plus entièrement, comme base d’opérations, à la condition dont nous reconnaissions plus haut l’importance.
Si le premier de ces grands ports n’est pas assez rapproché de Wilhelmshafen et de Kiel, le second est trop loin de Naples, de Tarente et de Pola. — Il est donc nécessaire de créer en faveur de nos escadres de nouveaux points d’appui, plus voisins de la mer du Nord, de la mer Tyrrhénienne, de l’Adriatique ; des bases secondaires sommairement outillées, mais abondamment pourvues de