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dépassant toute imagination qui séparent ces différens corps les uns des autres et de nous, on a pu constater que la physique, la mécanique, la chimie de ces corps sont les mêmes que celles du système solaire. Nul doute qu’ils ne suivent, comme le système solaire, les lois d’un développement ayant ses causes en lui-même. En tout cas, s’il en était autrement, l’onus probandi incomberait à ceux qui soutiendraient le contraire, en vertu de ce principe que l’on ne doit pas discuter comme possible ce qu’aucun indice ne porte à supposer. Tout indice, même faible, doit être suivi par la science avec acharnement. Mais l’assertion gratuite n’a pas besoin d’être réfutée ; quod gratis asseritur gratis negatur.

De même que nous ne voyons pas au-dessus de nous de trace d’intelligence agissant en vue de fins déterminées, nous n’envoyons pas non plus au-dessous. La fourmi, quoique très petite, est plus intelligente que le cheval ; mais si, dans l’ordre microbique, il y avait des êtres très intelligens, nous nous en apercevrions à des actions réfléchies émanant d’eux. Or l’action de ces petits êtres, qui sont la cause de presque tous les phénomènes morbides, a si peu de portée qu’il a fallu une science très avancée pour l’apercevoir ; à l’heure qu’il est, leur action se confond presque encore avec les forces chimiques et mécaniques. D’après notre expérience, bornée sans doute, l’intelligence paraît limitée au règne du fini ; au-dessus et au-dessous, c’est la nuit.

On peut donc poser en thèse que le fieri par développement interne, sans intervention extérieure, est la loi de tout l’univers que nous percevons. Le nombre infini des coups fait que tout arrive et que des buts atteints par hasard semblent atteints par volonté. Notre univers expérimentable n’est gouverné par aucune raison réfléchie. Dieu, comme l’entend le vulgaire, le Dieu vivant, le Dieu agissant, le Dieu-Providence, ne s’y montre pas. — La question est de savoir si cet univers est la totalité de l’existence. Ici le doute commence. Le Dieu actif est absent de cet univers ; n’existe-t-il pas au-delà ?

Et d’abord, cet univers est-il infini ? La poussière d’or, inégalement répartie, que nous voyons au-dessus de notre tête, dans une nuit claire, remplit-elle l’infini de l’espace ? Est-il sûr qu’il n’y ait pas des stations dans l’espace d’où un œil verrait : d’un côté, un ciel peuplé d’étoiles comme celui que nous contemplons ; de l’autre, un abîme noir, le vide de tout corps lumineux ? Immense, cet univers l’est assurément. Mais qu’est-ce qu’un décillion de lieues auprès de l’infini ?

Et quand il serait sûr que l’espace rempli de soleils est sans limites, s’ensuivrait-il qu’il n’y a pas d’autres infinis d’un ordre