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EXAMEN
DE
CONSCIENCE PHILOSOPHIQUE


I

Le premier devoir de l’homme sincère est de ne pas influer sur ses propres opinions, de laisser la réalité se refléter en lui comme en la chambre noire du photographe, et d’assister en spectateur aux batailles intérieures que se livrent les idées au fond de sa conscience. On ne doit pas intervenir dans ce travail spontané ; devant les modifications internes de notre rétine intellectuelle, nous devons rester passifs. Non que le résultat de l’évolution inconsciente nous soit indifférent et qu’il ne doive entraîner de graves conséquences ; mais nous n’avons pas le droit d’avoir un désir, quand la raison parle ; nous devons écouter, rien de plus ; prêts à nous laisser traîner pieds et poings liés où les meilleurs argumens nous entraînent. La production de la vérité est un phénomène objectif, étranger au moi, qui se passe en nous sans nous, une sorte de précipité chimique que nous devons nous contenter de regarder avec curiosité. De temps en temps, il est bon de s’arrêter, de se recueillir en quelque sorte, pour voir en quoi la façon dont on envisage le monde a pu se modifier, quelle marche, dans l’échelle