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américaines. La lumière neuve éclaire presque seule la ville du Champ de Mars ; elle va partout, dans ce monde en miniature, comme elle ira bientôt dans le monde véritable ; on la voit luire dans le bazar de l’Annamite, sur les huttes du Canaque et de l’Okandais. Du premier coup d’œil, par la seule inspection des larges emplacemens attribués dans la galerie à l’électricité, on peut mesurer la situation qu’elle s’est faite dans le domaine industriel. Cependant les stations qui concourent au service de l’éclairage et à l’illumination quotidienne ne se trouvent pas ici ; elles sont réparties en cinq groupes sur le pourtour de l’Exposition. Presque tous les appareils disséminés dans la galerie n’y figurent que pour l’exhibition ; les cordons de lumière qui brûlent en plein jour autour de ces appareils ne servent qu’à décharger une petite quantité de la force sans emploi. Et l’éclairage, s’il est encore la principale application de cette force, n’est plus son unique souci ; elle se propose de supplanter ses aînées dans toutes les autres branches du travail.

Regardez, bien en évidence dans la travée centrale de la nef, cette machine qui rappelle par sa forme la roue du gouvernail sur un navire ; encore quelque temps, et la comparaison sera plus frappante, quand ce gouvernail imprimera le mouvement à toute l’usine. C’est la dynamo, — accordons à ce vocable nouveau la place qu’il saura bien se faire, — le type le plus fréquent de la machine électro-magnétique.

Celle-ci développe une puissance de 250 chevaux ; cette autre, plus loin, fournirait 500 chevaux. Grands ou petits, nous retrouvons partout ces couples de bobines sous leur armature de fils goudronnés ; ils se mêlent aux lourdes machines à vapeur, ils s’insinuent entre les volans et s’accrochent aux courroies, comme une armée d’invasion résolue à asservir ces colosses. Et c’est bien là, — retenons ce fait capital, — la tendance actuelle de l’électricité : asservir la machine à vapeur, en attendant qu’on puisse s’en passer ; lui dérober sa force fatale, limitée à un court rayon d’action, pour la transformer en une force plus subtile, plus maniable, plus semblable de tout point, à la force nerveuse de l’homme. Le physicien anglais Joule avait déjà remarqué que l’animal ressemble à une machine électro-magnétique plutôt qu’à une machine thermique. Cette assimilation ressort de tout ce que nous apprennent les électriciens sur les mouvemens de l’âme nouvelle qu’ils veulent donner au travail mécanique ; ceci n’est point une métaphore arbitraire ; je crois juste de dire que le travail va changer d’âme. D’après ceux qui l’étudient, l’énergie électrique est spasmodique, dans l’appareil le mieux réglé ; elle a comme celle de l’homme des sursauts et des