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incessans des mesures du temps et de l’espace dans le monde que nous étudions.

Voici le quartier de l’électricité, où nous reviendrons dans un instant ; celui des moteurs hydrauliques ; celui du gaz, de la houille transformée en lumière, de la lumière retransformée en agent de travail. Plus loin, un petit district pour l’air comprimé, un autre pour le pétrole, ce nouveau-venu de grande ambition et de grand avenir. Il a quinze ou vingt ans d’âge, au plus, et il aspire à la conquête du monde industriel au profit de ses deux patries, l’Amérique et la Russie. Vous pouvez voir son quartier-général dans la rotonde du bord de l’eau, au débouché du pont d’Iéna ; on y retrouve un panorama fidèle de Bakou, la ville du feu, bâtie sur le lac souterrain de naphte qui vomit ses éruptions dans la Caspienne, qui couronne presque chaque nuit la ville d’un dais de lumière et la menace du sort de Sodome. J’ai lu dans une statistique de M. Maxime Du Camp qu’il y avait à Paris deux Parsis, adorateurs du feu, et qu’ils allaient de temps à autre faire leurs dévotions au soleil levant, sur le sommet de Montmartre. Ces disciples de Zoroastre peuvent venir aujourd’hui accomplir les rites guèbres dans la rotonde du Champ de Mars, devant l’image de la fontaine sacrée. L’an dernier, quand je visitai à Bakou leur temple métropolitain, il n’y avait plus ni prêtre ni fidèles dans cette ruine, devenue la dépendance d’une usine à pétrole. Décidément, Paris est encore le dernier refuge des dieux comme des rois en exil.

A l’extrémité occidentale de la galerie, nous passons dans le département des chemins de fer, vaste et riche, comme il convient à ces hauts et puissans seigneurs. Ici la vapeur, productrice dans les machines précédentes, devient messagère, elle emporte et fait circuler tout ce qu’elle a produit avec ses autres engins. L’exposition des chemins de fer est des plus intéressantes ; à l’étage supérieur, les ingénieurs de ce service ont accumulé les témoignages de leur labeur constant pour le perfectionnement des transports ; plans et tableaux graphiques, modèles des grands ouvrages d’art, des gares, dispositifs nouveaux pour assurer aux trains toujours plus de vitesse et de sécurité. On s’est même inquiété, le croiriez-vous, des aises du voyageur. Admirons ces nombreux types de wagons, aux installations commodes, spacieuses ; ils semblent nous promettre la mise en réforme des véhicules pénitentiaires où l’on charrie habituellement en France les détenus pour cause de voyage. Admirons vite ces belles voitures, avant que les compagnies les rentrent dans leurs dépôts. Des sceptiques prétendent que nous ne les ne verrons plus. Mais peut-être nos petits-enfans, s’ils vivent très vieux…