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municipaux et étendu les pouvoirs du maire au point d’en faire un véritable autocrate. Telles sont, du moins, les tendances qui se révèlent dans la plupart des constitutions communales révisées. Bien entendu, celles-ci diffèrent dans chaque état particulier et pour chaque ville ; mais voici les caractères généraux qu’on y retrouve. Certains hauts fonctionnaires, comme le maire, le contrôleur-général, le greffier, sont élus directement par le peuple ; ils nomment leurs subordonnés sous leur responsabilité vis-à-vis des électeurs. On a créé autant de départemens spéciaux qu’il y a de services publics, et à leur tête se trouve, tantôt un comité (bourd) de plusieurs personnes, tantôt un seul fonctionnaire, lesquels sont nommés, soit par le maire, soit par le collège du maire et des alderman. Ces comités administratifs sont très nombreux ; en voici l’énumération qui est curieuse parce qu’elle montre la variété d’objets auxquels doit pourvoir de nos jours un gouvernement municipal : instruction, — bibliothèque communale, — police, — accise, — charité publique, — hôpitaux et correction, — salubrité, — incendies, — police, — désignation des jurés, — finance, — impôts, — législation et contentieux. — pavage, — distribution des eaux, — nettoyage des rues, — travaux publics, — parcs, — fonds d’amortissement. Les règlemens concernant chaque matière sont faits par les comités desquels elle relève, et, s’il s’agit d’un intérêt général, par la législature de l’état. On voit que le rôle des conseils municipaux est singulièrement réduit. Le pouvoir réglementaire leur est presque entièrement enlevé et ce qui se fait en Europe par des comités composés de leurs membres l’est aux États-Unis par des bureaux qui échappent à leur contrôle. Ce que l’on peut appeler le parlement communal est souvent composé de deux chambres, la chambre haute, le conseil des aldermen nommés sur une seule liste par le corps électoral tout entier, et la chambre basse, le common council, issu d’élections par quartier. Les juges locaux sont généralement élus par le peuple, mais parfois choisis par l’état.

Afin de montrer l’étendue vraiment inouïe des pouvoirs attribués au maire, je citerai l’exemple de New-York. On me permettra une énumération un peu longue : elle est indispensable, si l’on veut comprendre ce que devient ce personnage aux États-Unis. Pour trouver chose semblable en Europe, il faut aller en Russie et y demander quels sont les prérogatives du tsar. Combien cela est différent de ce tableau séduisant, de self-governement que nous traçait naguère Tocqueville !

Le maire de New-York est nommé directement, au suffrage universel, par le corps électoral tout entier, et il reste deux ans en