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Virginie, qui remonte à l’année 1796, n’avait que quatre pages ; celle de 1830 en a sept et celle de 1870 trente-deux. La constitution du Texas de 1845 avait seize pages, celle de 1876 en a trente-quatre ; celle de la Pensylvanie en avait huit en 1776 et vingt-cinq en 1870 ; celle de l’Illinois dix on 1818, vingt-cinq en 1870.

Les Américains recourent de plus en plus à cet étrange système, parce qu’ils constatent que les lois préparées par une convention spéciale, sous forme d’articles constitutionnels, et ensuite votées par le peuple, sont meilleures que celles adoptées par les législatures ordinaires. Les conventions qui élaborent ces amendemens aux constitutions sont composées d’hommes plus capables que les chambres. Ils délibèrent sous les regards du public, dont l’attention a été spécialement éveillée sur la matière en discussion. Ils sont moins exposés à ces influences « sinistres » dont parle Stuart Mill, c’est-à-dire à la corruption et aux excès de l’esprit de parti. Toutefois, si la démocratie doit en arriver peu à peu au gouvernement direct, il est certain que le referendum à la manière suisse est préférable à la méthode américaine. Celle-ci arrivera à faire des constitutions une masse chaotique et indigeste d’articles sans ordre, sans lien logique, souvent d’un intérêt secondaire, ce qui est d’autant plus fâcheux que, pour les supprimer ou les modifier, il faut recourir à la procédure très compliquée d’une révision constitutionnelle.

En Angleterre, depuis quelque temps, le régime représentatif tend aussi à se subordonner au régime plébiscitaire, quand il s’agit d’une question importante et surtout d’une application nouvelle des principes démocratiques. La chambre des communes vote une loi ; la chambre des lords la rejette ; -alors commence dans le pays une campagne d’intense agitation politique. De toutes parts s’organisent des meetings, des processions, des pétitionnemens. Les deux partis comptent ainsi le nombre de leurs adhérens, et chacun d’eux s’efforce de démontrer qu’il a pour lui la majorité de la nation. Quand le courant de l’opinion se prononce d’une façon très forte et avec une grande surexcitation des passions populaires, la chambre des lords finit par céder, car elle se persuade que son existence même est en jeu. D’autres fois, on a recours ù une dissolution de la chambre des communes, pour que le ministère puisse savoir, sans s’y tromper, ce que veut la majorité les électeurs. De toute façon, c’est la volonté populaire qui dicte la loi.

Ces procédés de gouvernement sont non-seulement irréguliers, révolutionnaires et pleins de danger pour le maintien des institutions établies, mais, en outre, ils sont dictés par une idée fausse et antiscientifique, malheureusement très répandue aujourd’hui, à