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Il est aux écoutes. Le moindre bruit qui vient de là-bas, l’éveille : M. de Vic est envoyé dans ces provinces pour apaiser les différends qui subsistent entre les protestans et les catholiques (fin de 1611). Richelieu lui écrit et se met à sa disposition.

Il s’adresse également à Phelypeaux de Pontchartrain, secrétaire d’État chargé particulièrement des affaires de la religion, homme actif et laborieux, qui tenait très sérieusement en main la direction des affaires intérieures de la France (mars 1612).

Richelieu se met en relations suivies avec ces deux personnages, devient, pour eux, une sorte d’agent officieux, leur donne des renseignemens précis sur l’attitude des huguenots. Il est question, à un certain moment, de l’envoyer à La Rochelle « pour haranguer ces messieurs. »

Il s’entremet, de lui-même, auprès de Du Plessis-Mornay, son illustre voisin ; approuve la conduite de la reine-mère, l’engage à venir dans le pays à la tête de l’armée que commande M. de Themines ; et achève sa lettre à Pontchartrain par une insinuation où se révèle son éternelle préoccupation : «… Cependant, si vous jugez à propos de faire entendre à la reine ce que je vous mande, parce qu’elle me commanda, lorsque je partis, de l’avertir de ce qui se passerait par-deçà, vous en userez comme vous le jugerez bon… » Il avait vu la reine lors de son voyage à Paris ; mais, évidemment, ses offres de service avaient été reçues un peu froidement. Il les renouvelle sans plus de vergogne.

Il suit les événemens politiques avec l’assiduité d’un homme qui se prépare. Nous n’avons que de rares échappées sur ses pensées d’alors ; mais elles paraissent déjà pleines de grandeur : « Encore que les brouilleries présentes et plusieurs pronostics fâcheux semblent nous augurer et présager la guerre, néanmoins, je ne crois pas qu’elle puisse sitôt éclore, les moyens de la faire naître étant beaucoup moindres que la volonté de ceux qui la pourraient désirer. La sage conduite et l’affection et fidélité de plusieurs bons serviteurs nous garantiront des maux du dedans. Pour ceux du dehors, je les baptiserai d’un autre nom s’ils nous font naître les occasions d’accroître nos limites et de nous combler de gloire aux dépens des ennemis de la France. »

Ces fières paroles sont écrites en 1612, du fond de sa province, par un ecclésiastique à peine âgé de vingt-sept ans !

D’ailleurs, ses mérites finissent par percer. Malgré son échec dans l’affaire de l’assemblée du clergé on a pensé à lui ; on le considère. On reconnaît son obligeance, son empressement à rendre service ; on lui tient compte de son humilité, du moins apparente, de son loyalisme toujours en éveil. Ses relations s’étendent ; il ne manque pas à ses propres maximes et s’empresse auprès des grands,