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fond, pleines de respect et d’éloges ; le père Cotton lui écrit sur un ton déférent. Tant de travail, de prudence et de réserve n’est donc pas en pure porte. Une occasion manquée, d’autres se retrouvent. Il faut seulement être toujours prêt à les saisir, et, sans se laisser décourager par des échecs momentanés, s’assurer le succès définitif, « en y pensant toujours. »


V. — LES PREMIÈRES MENÉES POLITIQUES.

Que Richelieu, simple évêque de Luçon, fût préoccupé de la carrière politique à laquelle il se destinait, c’est ce qui résulte, avec la dernière évidence, d’un des documens les plus extraordinaires que nous ait laissés la jeunesse d’un grand homme : les Instructions et maximes que je me suis données pour me conduire à la cour ; curieux mémoire retrouvé et publié par M. Armand Baschet.

Sur des feuillets détachés, une écriture hâtive a jeté comme le trop-plein des réflexions qui occupaient les loisirs du jeune évêque. Avide de clarté, il fixe ses pensées, leur donne, par la rédaction. le caractère précis et ferme de la chose mûrement délibérée, écrite. Ce procédé, il devait l’employer toute sa vie. Pas une résolution importante qu’il n’ait ainsi étudiée, discutée, la plume à la main.

Cette fois, c’est une sorte de bréviaire portatif de l’ambitieux de cour, qu’il écrit pour son usage personnel. L’ensemble du texte ne peut laisser de doute sur la date de la rédaction. Elle remonte, évidemment, au temps de Henri IV. C’est donc avant le mois de mai 1610, probablement vers la fin de 1609, qu’il convient de la placer.

Pénétrons, grâce à ce mémoire, dans le secret le plus intime de cette âme ambitieuse. Tous les pas sont comptés, toutes les paroles sont pesées, tous les gestes sont surveillés ; rien n’est abandonné au hasard de l’improvisation. Un continuel empire sur soi-même subordonne toutes les manifestations de la pensée à la discipline d’une volonté toujours en éveil.

Dans son rêve, le rédacteur du mémoire quitte Luçon pour Paris. Une fois arrivé, il choisira son logement « et ne l’éloignera ni de Dieu ni du roi. » Les premiers instans de la journée seront donnés à Dieu. Ce premier devoir rempli, on peut penser à autre chose, le reste du temps.

En ce qui concerne le roi, c’est un grand art de savoir quand et comment il convient de le visiter. Sans être importun, il faut se