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problèmes qui nous remuent seront pour l’avenir un sujet d’étonnement, comme nous nous étonnons aujourd’hui des passions d’un siècle, pourtant si rapproché du nôtre.

Le sentiment religieux était donc le grand ressort de la scène politique : les ecclésiastiques y jouaient naturellement les premiers rôles. On citait les exemples du chancelier-cardinal Duprat, du cardinal de Tournon, du cardinal de Lorraine, du cardinal Renaud de Beaune, du cardinal d’Ossat, du cardinal du Perron, et de combien d’autres ! Non seulement la direction des masses, l’autorité sur les rois, une sorte de situation cosmopolite, mettant à l’abri des revers de la fortune, étaient attachées à l’obtention des hautes charges de la cour romaine ; mais elles donnaient, en même temps, la fortune, les riches prébendes, les abbayes, le rang et le pas sur les plus hauts dignitaires du royaume.

Il fallait donc être croyant ; il était bon d’être ecclésiastique ; pour les hommes qui n’appartenaient pas à la haute aristocratie domaniale, la suprême ambition était la pourpre.

Un homme comme Richelieu, lancé dans cette voie, prétendait aller jusqu’au bout. Il avait sous les yeux la carrière du cardinal du Perron, dont la capacité médiocre, débutant dans l’obscurité de la polémique théologique, bataillant, écrivaillant sur et contre les protestans, en était arrivée à s’emparer de l’attention publique, de la confiance du monarque, d’une autorité exceptionnelle à Rome et dans le royaume.

La fortune du cardinal du Perron eut, sur la première partie de la vie de Richelieu, la plus grande influence. Nous l’avons déjà vu sollicitant les bonnes grâces de ce cardinal ; nous le verrons bientôt implorant son aide et se réjouissant de son approbation. Richelieu donne à du Perron le plus grand témoignage d’admiration qu’un homme puisse rendre à un autre : il l’imite.

Comme lui, il aspire au mérite et à la louange de la chaire et de la polémique. L’évêque de Luçon prêche et le docteur de Sorbonne écrit. Il le fait avec ardeur, avec courage, avec bonne foi. Il faut connaître la suite de sa destinée pour saisir, dans ce premier élan d’un zèle si pur, la préoccupation invisible, mais toujours présente, de ses ambitions d’homme d’État.


Il avait déjà prêché à la cour.

Les avis des contemporains diffèrent sur la valeur de Richelieu comme orateur de la chaire. On peut dire, en gros, que tant qu’il ne se trouva pas mêlé à la politique, ses sermons furent goûtés. Dès l’année 1608, le cardinal du Perron, en sa qualité de grand aumônier de France, le désignait pour dire l’office et prêcher le