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dépravation et la dégradation des multitudes qui s’abandonnent. Mais pour m’en tenir aux passages d’Ézéchiel que j’ai cités, on sent bien que ni cette passion, ni cette confiance, ni cette morale profonde et fine à la fois, ni cet éclat d’imagination, ne peuvent être des temps misérables où le royaume de Juda s’est effondré sous la complète babylonienne, et où le peuple juif était descendu si bas.

Je dois avertir que, dans cette étude sur Ézéchiel, je n’ai pas dépassé le chapitre XXXVII. Je parlerai ailleurs de ceux qui suivent, et j’expliquerai pourquoi je n’en ai pas parlé ici.

À la suite d’Ézéchiel, l’Église catholique place le livre de Daniel ; mais ce livre n’était pas compté dans Israël parmi ceux des prophètes. Ils le plaçaient parmi ceux qu’on appelait simplement des Écrivains (kethoubim, en grec les Hagiographes) ; je ne l’aborderai qu’à la fin de mon travail. Je passe aux courtes prophéties des Douze, rassemblées en un seul livre.

Osée vivait au VIIIe siècle, si on en croit le préambule du livre qui porte ce nom. Comme d’ailleurs il se préoccupe d’Éphraïm plus que la plupart des prophètes, et qu’il lui adresse sans cesse des objurgations et des menaces, et comme personne ne s’avisait de chercher dans l’histoire du IIe siècle l’explication de ce langage, il fallait bien supposer qu’il avait en vue la destruction du royaume des dix tribus par les Assyriens, ce qui le reportait tout de suite à la plus haute antiquité. La critique a maintenant toute raison de se défier d’une telle hypothèse.

Osée est le plus obscur des prophètes, ou plutôt il est, à ce point de vue, tout à fait à part, et on le trouve si souvent inintelligible, que le livre ne peut pas toujours nous éclairer sur le temps où il a été écrit. Cependant il contient des passages qui ne peuvent laisser aucun doute, et cela dès le début. On y lit que Jéhova fera cesser la royauté d’Israël ; qu’il ne lui sera pas pardonné, mais qu’il sera pardonné à Juda, et que Juda sera sauvée, mais sauvée ! par Jéhova, non par des batailles (1-4-7) ; que les enfans d’Israël se multiplieront comme le sable de la mer ; que les fils de Juda et ceux d’Israël se réuniront sous un seul chef et rentreront de l’exil (1-10). Tout cela se place sous le principal d’Hyrcan et ne peut se placer autre part dans l’histoire des Israélites, non plus que cette réconciliation du peuple avec son dieu, qui fera disparaître les idoles et qui ramènera toute prospérité avec toute justice (2-16).

On lit un peu plus loin (3-4) : « Ils demeureront longtemps sans roi, sans chef, sans sacrifices, sans pierre sacrée, sans éphod