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n’y a pas, dans tout Isaïe, un verset aussi décisif que celui-là, au point de vue de la question qui m’occupe.

Josèphe y a reconnu sans hésiter la mention du temple élevé par Onias, précisément au milieu du IIe siècle, et précisément dans le nome d’Heliopolis. Il nous assure que le prophète a prédit cet établissement six-cents ans à l’avance (Antiq., 13-3-1). Cette explication me pouvant être la nôtre, il ne nous reste qu’à admettre que cela a été écrit après qu’Onias a eu élevé ce temple. Et c’est en effet ce que Ferd. Hitzig, dans son commentaire sur Isaïe (18-31), avait admis, Ml. Reuss n’ose conclure.

Mais poursuivons : « En ce temps-là Jéhova a un autel au milieu de la terre d’Égypte, et une pierre est dressée à Jéhova sur sa frontière[1]. C’est un signe et un témoignage pour Jéhova Sabaoth dans le pays d’Égypte, parce qu’ils ont crié à Jéhova, à cause de leurs oppresseurs, et il leur envoie un sauveur, un messager qui les délivre. » Hitzig a encore reconnu ici des faits qui remontent au règne d’Antiochus le Grand et de Ptolémée l’Épiphane, au début du IIe siècle. Les Égyptiens avaient été les premiers maîtres de Jérusalem. Ptolémée, voulant la reconquérir sur les Syriens, y envoya une grande armée, sous le commandement de Scopas, et la reprit en effet ; Scopas établit une garnison dans la citadelle de Jérusalem. Mais Antiochus. ayant battu Scopas, reprit à son tour Jérusalem et tout le pays. Josèphe (Aut., 12-3-3) nous représente Juda comme se donnant au roi de Syrie, et l’accueillant en effet en libérateur. C’est ainsi que le prophète a pu imaginer que c’était Jéhova qui, sous Antiochus l’Épiphane, avait vengé son peuple de l’Égypte, et qu’il a pu croire que la faveur que les Ptolémées, à partir de cette époque, ont montrée aux Juifs d’Égypte et à leur dieu, faveur qui s’explique suffisamment par la rivalité des rois d’Égypte et des rois de Syrie, leur « était venue de la pensée que Jéhova était un dieu à ménager.

Mais cette faveur et cette vénération pour Jéhova étaient arrivées au plus haut point au moment précisément où, l’an 150, Ptolémée Philométor permettait à Onias d’élever son temple.

Écoutons encore le prophète : « Et Jéhova se fait connaître à l’Égypte, et l’Égypte l’honore en ce jour ; elle lui apporte des sacrifices et des offrandes ; elle fait des vœux en son honneur et les accomplit. Ainsi Jéhova a frappé l’Égypte, mais en même temps qu’il la frappe, il la guérit. Elle revient à Jéhova, et il se laisse fléchir, et il la sauve. En ce temps-là, il y a un chemin frayé d’Égypte à Assur, Assur va en Égypte et Égypte en Assur ; Égypte et Assur adorent ensemble. En ce jour, Israël fait le troisième avec Égypte et

  1. Sur cette pierre, nous ne savons rien. Est-ce la frontière du côté de la Judée ?