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si longues et de si cruelles épreuves sans disparaître absolument. Et c’est aussi à cette époque que se rapportent le mieux les plaintes du prophète et les reproches que le dieu adresse à son peuple. Au VIe siècle, Jérusalem succombait sous l’invasion brutale des barbares du dehors. Ce n’était pas le moment de déclamer, comme dans ces premiers chapitres, contre les fautes des peuples et les torts de leurs gouvernails, ou le luxe de leurs grandes dames (chap. III). Au IIe siècle, l’étranger avait pour complices ceux de Juda même, leurs nobles, leurs prêtres, infidèles à leur dieu, et tout pénétrés des mœurs des Nations. Ils croyaient avoir assez fait pour Jéhova quand ils avaient célébré ses fêtes et offert des sacrifices. Et c’est alors que le poète entendait la voix de Jéhova : « Qu’ai-je à faire de tous vos sacrifices ? Je suis rassasié des holocaustes de moutons, de la chair des veaux gras… Je ne vous écoute pas, car vos mains sont pleines de sang. Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions ; cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien, recherchez la justice, redressez le prévaricateur, faites droit à l’orphelin, défendez la veuve. » Cette guerre est en même temps une révolution intérieure. Les purs, les assid (c’est le mot hébreu, grécisé dans le livre des Maccabées, II, 42, etc.), y luttent contre les mauvais, qui vont être vaincus et rejetés ; de là les derniers versets du chapitre, qui saluent, en ayant l’air seulement de l’annoncer, cette révolution accomplie.

Le second chapitre célèbre la victoire, toujours sous forme de prophétie. Il décrit la grandeur à laquelle s’élèvent Juda et son dieu. La hauteur de Sion dépasse toutes les hauteurs. Les étrangers eux-mêmes viennent adorer dans son Temple et apprennent à respecter Jéhova et sa loi. La paix règne dans le pays, qui n’a plus d’ennemis. Devant Jéhova, les autres dieux, les images d’or et d’argent disparaissent, rentrent sous terre ou se cachent au fond des cavernes. Les commentateurs attachés à la tradition cherchent en vain dans les temps antiques où placer cette transformation. Il n’y a dans l’histoire qu’une seule époque où on ait vu tout cela. C’est celle où, à la fin de la guerre contre les rois de Syrie, le peuple de Jéhova a proclamé son indépendance et repoussé l’idolâtrie pour jamais.

Ici recommencent les plaintes et la peinture de tout ce que Jérusalem a souffert. Car un livre prophétique ne forme pas un tissu bien serré. Il se compose d’effusions poétiques détachées, qui probablement se sont produites à part les unes des autres, et ont été rassemblées ensuite. Tous ces morceaux ont leur intérêt et leur beauté, mais je ne dois m’arrêter qu’aux endroits qui me