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Je rappelle d’abord qu’à la suite de la ruine des deux royaumes d’Israël et de Juda, détruits l’un à la fin du VIIIe, l’autre au début du VIe siècle, les dix tribus disparaissent, pour ainsi dire, de l’histoire, et l’histoire même de Juda présente une vaste lacune[1]. On sait que, 70 ans après la destruction de Jérusalem et de Juda par les Babyloniens, ceux de Juda, déportés en Babylonie, obtinrent de Cyrus, qui avait anéanti l’empire de Babylone, la permission de rentrer dans leur pays et d’y repeupler Jérusalem. Mais depuis cette date jusqu’à celle de la mort d’Alexandre, leurs annales sont vides, ou du moins nous n’y trouvons que la réédification de leur Temple, qu’ils ne purent rebâtir qu’un siècle après leur retour. Ils n’ont rien écrit, puisque Josèphe n’en dit rien, de ce qui s’est passé chez eux pendant plus de deux cents ans ; et les Grecs, qui ne les connaissaient pas, ne pouvaient en parler non plus. Mais la conquête d’Alexandre les ayant soumis à la domination macédonienne, ils se trouvèrent enveloppés dans le monde grec. Ils ont alors une histoire, mais bien incomplète encore, puisque les historiens qui avaient écrit sur les successeurs d’Alexandre sont presque entièrement perdus. Ils furent d’abord soumis aux rois d’Egypte ; le premier Ptolémée, à qui ils avaient essayé de résister, prit Jérusalem et transporta en l’Egypte une multitude de prisonniers qui y formèrent une colonie israélite. Ils devinrent ensuite les sujets des rois de Syrie. Placés dans ce milieu hellénique, ils s’hellénisent insensiblement. Leurs maîtres les subjuguent, non pas seulement par l’ascendant qu’exerce toujours la puissance, mais par la séduction des mœurs et des idées grecques. Leurs grands-prêtres, c’est-à-dire leurs princes, prennent des noms grecs et se font les courtisans des rois syriens. Beaucoup les imitent, et le peuple se partage en deux moitiés, dont, l’une semble prête à passer à d’autres croyances et à d’autres dieux. Mais il y avait dans la fidélité d’Israël à ses traditions, à sa Loi et au culte de son Jéhova, une force qu’ils ne connaissaient pas eux-mêmes. Elle éclata tout à coup sous le règne d’Antiochus l’Épiphane. On ne sait pas sous quelle forme elle se manifesta d’abord, mais il faut qu’elle ait déjà paru redoutable, puisqu’elle exaspéra Antiochus. Une première fois, étant entré dans Jérusalem, il s’était fait livrer par un grand-prêtre, sa créature, — Onias de son nom hébreu, mais qui se faisait appeler Ménélas, — les trésors sacrés du Temple ; mais deux ans après il fit surprendre la ville par une armée qui tua beaucoup de monde, mit le feu en divers endroits, et même aux portiques du Temple, et emmena des hommes et des femmes en captivité. On occupa, au-dessus de la colline de Sion. où était le Temple, une

  1. Je ne nomme que Juda, mais on sait que Benjamin et Juda ne font qu’un.