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REVUE. — CHRONIQUE.

prévu que M. le ministre de la guerre lui a adressé l’autre jour, en l’appelant à bout portant, pour le besoin de sa cause, une « grande assemblée ; » elle pouvait rester une assemblée décente, et puisqu’elle n’a pas su bien vivre, c’est-à-dire vivre avec profit pour le pays, elle aurait pu aspirera mieux mourir, — à mourir tout simplement sans scandale. C’était bien le moins. Elle n’a pas soigné sa fin, la malheureuse « grande assemblée ! » Au lieu de se préparera bien mourir, de savoir s’éclipser à propos, ne fût-ce que pour éviter les tentations et les pièges, elle s’est jetée tête baissée, sans frein et sans règle, dans toutes les aventures, cédant à tous les vertiges, épuisant ce qui lui restait de force dans une série d’échauffourées sans dignité. On dirait vraiment que cette fin de session n’est plus qu’une vaste conspiration pour la déconsidération universelle, que tout se réunit, délibérations incohérentes, âpreté des guerres sans merci et des accusations meurtrières, scènes tumultueuses où l’honneur des hommes est en jeu, où quelques-uns des ministres ne font pas toujours trop bonne figure. Et le pugilat lui-même finit par s’en mêler !

Au demeurant, qu’a-t-elle fait, que fait-elle jusqu’au bout, cette chambre à la fois impuissante et agitée qui a trop tardé à mourir, pour son crédit, pour la paix du pays ? Ce qu’elle laissera après elle, ce qu’elle a fait depuis quelque temps dans le domaine législatif se réduit à une série d’œuvres décousues, irréfléchies ou improvisées par l’esprit de parti, dans un intérêt de circonstance. Si elle a ôté tant bien que mal, à bâtons rompus, le budget, elle y a mis ses préoccupations électorales ; elle y a introduit par un calcul de fausse popularité des augmentations ou des réductions de crédits que le sénat est obligé aujourd’hui de rectifier, pour remettre un peu d’ordre et de clarté dans des finances déjà assez confuses. Elle a voté des lois qui n’ont aucune importance ou qui passeront avec elle. Elle s’est donné aussi le luxe, pour faire plaisir à M. Basly, de choisir un jour où elle devait s’occuper des intérêts ouvriers, et tout bien compté, les intérêts ouvriers n’en sont pas plus avancés ; ce qu’on en faisait était encore pour les élections. La Chambre enfin a volé sa grande œuvre, la loi militaire. Ce n’est pas sans peine, il est vrai. La question est restée jusqu’au bout indécise entre le Sénat résolu à maintenir les garanties, les dispenses destinées à tempérer la loi, et la Chambre obstinée dans ses idées plus radicales que militaires. Il a fallu tout l’art de M. le ministre de la guerre pour avoir raison, par une flatterie, des préjugés de secte, de la résistance d’une majorité aveuglée par la passion de parti. Elle est définitivement votée maintenant, cette loi. dont le principe est le service de trois ans, qui jusqu’au bout a inquiété les esprits refléchis et les militaires les plus expérimentés. Il reste à savoir ce qu’elle produira, si elle fera pour notre puissance militaire ce qu’avait fait heureusement cette loi de 1872 qui a donné