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Champ de Mars[1]. Le Directoire exécutif s’y est rendu, accompagné des ministres. À quatre heures, le Directoire et le cortège ont été de la Maison du Champ de Mars à l’autel de la patrie, aux sons de la musique militaire. Les chars attelés étaient rangés dans le cirque. Le Directoire, l’Institut national et tout le cortège ayant pris place, le Conservatoire a exécuté une symphonie et ensuite l’Invocation à la Liberté. Puis le ministre de l’intérieur a présenté au Directoire les commissaires d’Italie et les monumens recueillis par eux. Le président a remis à chacun de ces commissaires une médaille sur laquelle était gravée une figure de la France ; et, de l’autre côté, cette légende : « Les sciences et les arts reconnaissans. » Ensuite, un aérostat, orné de guirlandes et de drapeaux tricolores, s’est élevé dans les airs. Au moment où le Directoire a levé la séance, le Conservatoire » de musique a exécuté le Chant du Départ. Le soir, on a renouvelé l’illumination de la veille, et il y a eu dans le cirque des orchestres pour les danses. »

Sauf ces danses et ces lampions, assez hors de place, à ce qu’il semble, dans le voisinage des monumens les plus sévères de la science et des plus nobles œuvres de l’art, le programme de la fête célébrée les 9 et 10 thermidor avait été réglé de manière à donner à cette solennité publique plus de sérieux et de dignité que n’en avaient eu les représentations en plein air organisées, quelques années auparavant, tantôt au bénéfice de la Nature régénérée, tantôt comme témoignages de bienveillance pour l’idée d’un Être suprême. Aussi, en participant à cette fête où il ne s’agissait plus d’aller, comme autrefois, boire, avec plus ou moins de componction, l’eau qui jaillissait des mamelles d’une statue de la Nature ou d’assister à l’embrasement de mannequins figurant « le monstre de l’Athéisme » et ses « acolytes ordinaires, » — y compris, on ne sait trop pourquoi, la Fausse Simplicité, — les membres de l’Institut ne descendaient pas au rôle de comparses dans une comédie révolutionnaire : ils exerçaient tout naturellement la haute fonction qui leur appartenait.

Tandis que les membres de l’Institut faisant partie de la troisième classe s’associaient ainsi dans nos murs à une manifestation toute à la gloire de l’art antique et de l’art italien, un certain nombre de leurs confrères de la première classe travaillaient, loin de la France, à ouvrir une voie nouvelle aux études scientifiques. La commission d’Égypte, sous la direction de Monge et de Berthollet, préparait les Mémoires dont la publication, par les soins du général Bonaparte, révélait au monde savant, dès le

  1. L’ancien hôtel de l’École militaire.