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Le jour venu, 9 thermidor an VI (27 juillet 1798), chacun était à son poste sur le quai voisin du Jardin des Plantes choisi comme lieu de rendez-vous, parce que c’était là qu’avaient été débarqués les Chevaux colossaux de Venise et les autres monumens trop volumineux pour être expédiés d’Italie par la voie de terre[1]. Bientôt le cortège se mit en mouvement ; il était partagé en trois grandes divisions, accompagnées chacune de détachemens de cavalerie et de corps de musique militaire.

En avant de la première division, comprenant six chars chargés de minéraux, de pétrifications, de végétaux de toute espèce, palmiers, cactus, etc., marchaient les professeurs du Muséum d’histoire naturelle. Ces six premiers chars étaient suivis de quatre autres supportant, comme dans les anciens triomphes romains, des cages où l’on voyait des lions et des lionnes d’Afrique, d’autres animaux féroces encore, suivis eux-mêmes de chameaux et de dromadaires qu’avait fournis la forêt du Gombo, près de Pise.

Sur la bannière, flottant en tête de la seconde division, on lisait : « Livres, Manuscrits, Médailles, Musique, Caractères d’imprimerie de langues orientales. » Le tout remplissant six chars qu’accompagnaient les professeurs du Collège de France, les professeurs de l’École polytechnique et les élèves de cette école, les gardes des Archives et des Bibliothèques publiques, en un mot le personnel complet des établissemens scientifiques, précédant les délégués des étudians, des correcteurs d’imprimerie, des éditeurs et des libraires.

Enfin les administrateurs et les divers fonctionnaires du Musée central des arts, du Musée spécial de l’école française, du Musée des monumens français, les professeurs des écoles de peinture, de sculpture et d’architecture entourés de leurs élèves, marchaient aux premiers rangs de la troisième division, composée de vingt-neuf chars sur lesquels apparaissaient, au milieu de trophées symboliques, de drapeaux et de guirlandes, les principales œuvres de la peinture et de la sculpture enlevées à l’Italie. C’étaient d’abord doux chars portant les quatre célèbres Chevaux de bronze, pris à Venise ainsi que le Lion de Saint-Marc et qui devaient, sous l’empire, orner, celui-ci une fontaine au centre de l’Esplanade des Invalides, ceux-là l’arc-de-triomphe de la place du Carrousel. Puis, sur les chars suivans, se dressaient les statues antiques dont, par un euphémisme officieux, on se vantait d’avoir obtenu du

  1. Le Moniteur du 24 floréal an VI (13 mai 1798) annonçait que « le convoi des monumens recueillis en Italie avait mouillé à Lyon, dans la Saône, le 7 de ce mois et qu’il continuait sa marche vers le canal du Centre, devant aller chercher le canal de Briare pour arriver à Paris. »