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fille et du roi de Navarre, Catherine de Médicis tenait conseil avec les Guise et préparait la Saint-Barthélemy ; c’était là que, dix-neuf ans plus tard, le duc de Mayenne, pour venger la mort du président Brisson, faisait pendre aux barreaux des fenêtres quatre des plus fougueux partisans des Seize ; c’était là enfin, dans la tribune que soutiennent les Cariatides sculptées par Jean Goujon, que le corps de Henri IV, après le tragique événement de la rue de la Ferronnerie, avait été déposé, tandis qu’on allait porter à la reine la funeste nouvelle.

Il est bien probable toutefois que, à l’exception peut-être de Marie-Joseph Chénier, auteur de ce drame de Charles IX écrit avec la passion révolutionnaire que l’on sait, personne dans l’assemblée n’avait l’imagination hantée par ce passé sinistre : pas plus que, dans un tout autre ordre de souvenirs, on n’était disposé à se rappeler les représentations données, en 1658, par la troupe de Molière au lieu même où l’on se trouvait maintenant. La grandeur du fait présent suffisait, de reste, pour occuper la pensée de chacun, et, d’ailleurs, la transformation qu’on avait fait subir à la salle pour l’approprier à sa nouvelle destination ne permettait guère même aux regards d’être indifférens ou distraits.

Décorée pour la circonstance des statues d’illustres personnages français empruntées à divers monumens et dont quelques-unes, — les statues de Sully, de Descartes et de Bossuet entre autres, — ont été depuis lors transportées au palais qu’occupe actuellement l’Institut[1], couverte depuis la base des murs jusqu’aux voûtes des plus belles tapisseries des Gobelins et de trophées des drapeaux récemment conquis par les soldats de Valmy et de Jemmapes, de Hondschoote et de Fleurus, la salle des Cariatides présentait, dans cette éloquente parure, un aspect bien différent de celui qu’elle gardait depuis la un du règne de Louis XIV. Elle n’avait plus été, à partir de cette époque, qu’un magasin de hasard où l’on entassait pêle-mêle des fragmens antiques, des plâtres, des objets mobiliers de toute espèce ; elle devenait maintenant le sanctuaire du

  1. Ces trois statues, ainsi que celle de Fénelon, ornent aujourd’hui les murs de la salle des séances publiques de l’Institut. Quant au mobilier proprement dit qu’on avait fabriqué tant pour les séances publiques des trois classes réunies dans la salle des Cariatides que pour le service particulier de chacune de ces classes au rez-de-chaussée et dans les appartenions du premier étage, — appartemens situés, soit dit en passant, sur l’emplacement actuel de la salle Lacazo, de la pièce qu’elle précède et de la salle dite des sept cheminées, — une partie en est restée au Louvre même, une autre se trouve maintenant à la Bibliothèque de l’Institut. Ainsi les tables, avec des griffons bronzés pour supports qui garnissent la galerie principale de cette Bibliothèque, et, au Louvre, deux des salles de l’ancien Musée Charles X, proviennent de l’ameublement dont l’Institut primitif avait fait usage.