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leur tour, pour l’examen des propositions qui leur étaient soumises, deux commissions composées de membres appartenant déjà pour la plupart à l’Institut et dont les rapporteurs, Lakanal et Muraire, conclurent à l’adoption sans réserve d’aucune sorte. Bref, le conseil des Anciens statuant en dernier ressort approuvait, le 4 avril 1796, le projet élaboré par l’Institut et lui donnait ainsi le caractère d’une loi de l’État.

Le tout, il est vrai, ne s’était pas opéré sans quelque emphase de part et d’autre dans les formes, sans quelques-unes de ces exagérations de langage rendues presque obligatoires par les usages et le goût du temps ; mais, en constatant le fait, on a le devoir de reconnaître sous ce style et ces habitudes déclamatoires un fond de zèle sincère et de juste fierté patriotique, un vif sentiment de la grandeur inhérente à l’institution nationale qu’on venait de fonder. Quand Lacépède, portant la parole au nom de ses confrères, présentait au conseil des Cinq-cents le règlement qu’il avait contribué à établir, il pouvait bien terminer sa harangue par ces mots, assez hors de place sans doute, puisque ici la forme du gouvernement n’était nullement en cause, « nous jurons haine à la royauté ; » mais il avait auparavant, et avec plus d’à-propos, parlé de la reconnaissance due à ceux qui, par la création de l’Institut, « installaient la fraternité entre les différentes familles des sciences et des arts. » Et si, de son côté, le président de l’assemblée Treilhard, — un futur comte de l’Empire, d’ailleurs, comme Lacépède lui-même, — se hâtait un peu trop de prédire dans sa réponse que le serment prêté par Lacépède et par d’autres républicains aussi fragiles « comprimerait à jamais les partisans de la monarchie, » il n’en était pas moins autorisé à se féliciter hautement des grandes œuvres récemment faites ou entreprises. « Cette Constitution méditée au sein des orages, disait-il, ces découvertes utiles qui, dans le court intervalle de quelques mois, nous ont fait franchir l’espace de plusieurs siècles, tout annonce à l’univers que les fondateurs de la république, en assurant d’une main l’édifice constitutionnel,.. n’ont pas néanmoins négligé les sciences et les lettres. Pour eux, la république a été assise sur deux bases indestructibles, la victoire et la loi : une troisième reste encore, l’instruction publique ; ils vous délèguent le soin de la poser… »

Les progrès de l’instruction publique et le « perfectionnement des arts et des sciences, » tel était, en effet, aux termes mêmes de la loi organique de l’Institut, l’objet des efforts imposés au corps tout entier. C’est ce que Daunou sut faire ressortir avec autant de clarté que de force dans le discours qu’il avait été chargé de prononcer le jour de cette première séance publique dont nous parlions