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inspirés, venaient d’acquérir au nom de Méhul une popularité d’autant plus grande qu’elle était indépendante des animosités aveugles et des passions démagogiques.

Enfin Molé, dont le nom se trouvait à côté de celui de Méhul sur la première liste des membres de la troisième classe, Molé, déjà sexagénaire à cette époque, était, de l’aveu de tous, le meilleur acteur de la Comédie française, où il avait débuté en 1754 et où il n’avait cessé depuis lors de ternir brillamment les premiers emplois. Une fois le principe admis de l’entrée des comédiens à l’Institut, il n’y avait donc que justice à y appeler Molé avant tout autre de ses camarades, comme un siècle plus tôt on aurait choisi Baron.

Avec les huit littérateurs ou érudits appartenant comme eux à la troisième classe elles trente-deux membres choisis par le Directoire pour former les élémens des deux autres, les huit artistes dont nous venons de rappeler les noms avaient la mission de compléter, par des membres élus en dehors de toute intervention gouvernementale, chacune des sections dont la classe se composait. Ces élections, auxquelles il fut immédiatement procédé, ne se firent pas toutefois suivant les formes adoptées pour les élections postérieures. Elles eurent lieu directement, au scrutin de liste et à la majorité des suffrages, tandis que, à partir de 1796, les élections, tout en continuant de dépendre des votes de l’Institut tout entier, se firent non plus au hasard de ses propres prédilections ou de ses inspirations spontanées, mais, ce qui semble plus sage, sur la présentation d’une liste de candidats formée par la classe même où une place était devenue vacante[1]. Le principe qu’avaient établi les statuts d’une égalité absolue entre les membres des diverses classes n’en demeurait pas moins respecté dans la pratique, mais du moins une certaine garantie était offerte contre les erreurs pouvant résulter de l’incompétence personnelle ou des entraînemens fortuits : garantie insuffisante sans doute, puisqu’il arriva plus d’une fois à l’ensemble de l’Institut de ne tenir nul compte de l’ordre dans lequel les propositions lui étaient soumises et de se prononcer un

  1. Encore, avant d’être soumise à la décision souveraine de l’Institut, cette liste n’était-elle arrêtée qu’à la suite de deux épreuves dans le sein de la classe où la vacance s’était produite. La section à laquelle avait appartenu le membre qu’il s’agissait de remplacer présentait à la classe une liste de cinq candidats au moins. La classe, à son tour, désignait trois d’entre eux, qu’elle inscrirait dans l’ordre de ses préférences, et, sur ces trois, l’Institut, réuni en assemblée générale, en choisissait un, quelque rang que la classe lui eût préalablement assigné. En d’autres termes, l’Institut ne pouvait élire le nouveau membre en dehors des candidats dont les noms avaient été portés sur la liste ; mais il était maître de prendre, si bon lui semblait, celui qui y fleurait le dernier.