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gravité de l’expression et par la majesté de l’attitude. Barère et les siens se le tinrent pour dit ; si bien qu’ils ne songèrent plus qu’aux moyens d’attirer la lumière sur une œuvre aussi respectueuse des droits de la raison humaine. Par leurs soins, la sainte débaptisée sortit, au bout de quelques jours, de l’atelier de l’artiste pour aller prendre une place d’honneur dans le vestibule de la salle des séances de la Convention.

Est-il besoin, d’ailleurs, de rappeler les ouvrages auxquels Houdon devait l’honneur d’être choisi le premier parmi les sculpteurs pour siéger dans la troisième classe de l’Institut ? Qui ne connaît sa statue en bronze de Diane, aujourd’hui au musée du Louvre, — sa Frileuse que tant d’exemplaires en plâtre, tant de répétitions de toutes les grandeurs et en toutes matières ont depuis si longtemps popularisée, — ses beaux bustes, entre beaucoup d’autres, de Molière et de J. -J. Rousseau, de Diderot et de Franklin, — enfin et surtout cette admirable statue de Voltaire assis, le chef-d’œuvre de la sculpture de portrait dans l’école française moderne et peut-être dans les écoles de tous les pays ? Houdon, né en 1741, avait dépassé l’âge de cinquante ans quand il fut nommé membre de l’Institut. Pendant les trente-trois années qui s’écoulèrent encore entre la date de cette nomination et celle de sa mort, il ne cessa d’être pour tous ses confrères l’objet d’une vénération d’autant plus affectueuse que l’extrême droiture du caractère s’unissait chez lui à l’élévation du talent, et lorsque, vers la fin, l’affaiblissement graduel de ses forces physiques eut amené l’anéantissement presque complet de ses facultés intellectuelles, chacun à l’Académie n’en continua pas moins de reconnaître et d’honorer pieusement dans ce vieillard qui semblait ainsi se survivre à lui-même une des gloires les plus pures et les mieux assurées de notre art national[1].

Moins éclatans, quoique plus nombreux encore en raison de l’âge même du sculpteur entré dans la carrière plus de dix ans avant Houdon, les titres de Pajou étaient cependant assez sérieux pour légitimer la place que lui assignait, à la tête de la troisième classe, l’arrêté du directoire exécutif. Il suffira de citer parmi près de deux

  1. Houdon mourut à Paris, le 10 juillet 1828, laissant trois filles, dont la seconde avait épousé en 1810 M. Raoul Rochette, plus tard membre de l’Académie des inscriptions et secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts. Mariées, l’une à un frère d’Amaury Durai, de l’Académie des inscriptions, et d’Alexandre Duval, de l’Académie française, l’autre au docteur Louyer-Villermé, la fille aînée et la troisième fille de Houdon comptèrent à leur tour parmi leurs alliés ou parmi leurs descendans plusieurs hommes successivement célèbres. Par elles, l’architecte Mazois, l’illustre chimiste Regnault et le fils de celui-ci, le jeune et brillant peintre, tué en 1871 à Buzenval, appartiennent directement ou se rattachent à la famille dont Houdou est le chef.