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les chefs de : Grammaire, Langues anciennes, Poésie, Antiquités et Monumens. Chacune d’elles comprenait six membres, sans compter un nombre égal d’associés non résidans, en sorte que dans la composition primitive de l’Institut vingt-quatre places seulement étaient accordées aux représentans en France des lettres savantes à tous les degrés ou de la littérature d’imagination sous toutes ses formes. Encore arriva-t-il plus d’une fois, durant cette première période que, pour introduire dans les rangs des membres de la troisième classe un écrivain plus ou moins renommé, on ne se fit pas scrupule de l’attacher à une section sans correspondance directe avec les œuvres auxquelles il avait dû sa réputation. C’est ainsi qu’un des anciens lieutenans de Voltaire et des encyclopédistes, Marmontel, fut appelé à faire partie de la section de « Grammaire » comme associé non résidant, et qu’un professeur de rhétorique sorti de la congrégation de l’Oratoire, pour devenir, il est vrai, un révolutionnaire fougueux, Leblanc de Guillet, fut élu dans la section de « Poésie. »

Des anomalies de cette espèce devaient plus difficilement se produire dans le classement des artistes qui formaient les quatre autres sections. On avait bien pu à la rigueur transformer, pour les besoins de la cause, l’auteur de Bélisaire et des Incas en grammairien et l’auteur des Mémoires du comte de Guines en poète : mais quel prétexte aurait-on pris pour ranger, par exemple, Houdon parmi les peintres, ou David parmi les sculpteurs ? Et cependant, quelques années plus tard, lors de la suppression d’une des subdivisions primitives, — celle de la « Déclamation, » — les membres évincés furent parqués tant bien que mal dans une des sections qu’on jugeait bon de maintenir ou, tout aussi arbitrairement d’ailleurs, dans une de celles qu’on venait de créer.

L’idée qu’on avait eue à l’origine d’appeler des comédiens à faire partie de l’Institut était au fond une idée fausse, périlleuse même jusqu’à un certain point pour la dignité du nouveau corps. Elle pouvait avoir son explication, sinon son excuse, dans l’importance exagérée que, depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, on avait pris l’habitude d’attribuer aux choses et aux gens de théâtre ; mais elle n’en tendait pas moins à dénaturer le caractère et à compromettre l’unité de la fondation que l’on substituait au régime des anciennes académies. Il n’y avait en effet, il ne pouvait y avoir qu’un semblant d’égalité ou, si l’on veut, qu’une confraternité factice entre des hommes qui devaient leur notoriété, les uns à des œuvres tirées de leur propre fonds, — que ces œuvres fussent des tableaux, des sculptures, des compositions musicales ou des poèmes, — les autres à leur simple talent d’interprètes. Pourquoi s’en