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la Littérature et des beaux-arts, le rapprochement passablement forcé d’hommes et de talens séparés en réalité par la diversité des origines, des situations et des travaux.

Aux termes mêmes du décret qui organisait l’Institut, cette troisième classe se subdivisait en huit sections, dont quatre étaient réservées à des érudits et à des écrivains de différais genres, quatre à des artistes proprement dits. Contrairement à l’esprit dans lequel avaient été constituées les deux premières classes, — comprenant exclusivement, l’une les représentans les plus accrédités des sciences physiques et mathématiques, l’autre des hommes éminens dans l’ordre des sciences morales et politiques, — la troisième classe de l’Institut avait donc un caractère mixte, une double physionomie qui faisait d’elle une sorte de Janus personnifiant, suivant le côté d’où on l’envisageait, tantôt les lettres, tantôt les arts.

Il eût été, à ce qu’il semble, aussi naturel qu’équitable de distribuer dans deux séries distinctes les élémens confondus ici et d’isoler le groupe des écrivains de celui des artistes, comme on traçait ailleurs une ligne de démarcation précise entre le domaine des sciences exactes et le champ des études philosophiques ; mais, en procédant ainsi, on se fût sans aucun doute attiré le reproche qu’on craignait par-dessus tout d’encourir, le reproche de complaisance secrète pour les souvenirs du passé. Faire dans l’institution nouvelle une place à part, si légitime qu’elle fût, à un certain nombre d’hommes de lettres qu’il eût bien fallu, bon gré mal gré, aller rechercher parmi les membres de la ci-devant Académie française, c’eût été en réalité rendre la vie à la plus impopulaire des compagnies qu’on venait de supprimer ; à celle qui, dans les assemblées politiques, avait eu le privilège de susciter les récriminations les plus ardentes. Pour sauver au moins les apparences, on prit le parti de disséminer un peu partout ceux des membres de l’Institut qui avaient appartenu à l’Académie française ou qui auraient mérité de lui appartenir. Plusieurs entrèrent dans la seconde classe ; les uns, comme Gaillard, en qualité d’historiens, les autres, comme Bernardin de Saint-Pierre, à titre de moralistes. Restaient des poètes et des auteurs dramatiques, Delille et Ducis par exemple, d’autres encore que leur brillante réputation acquise sous l’ancien régime et un passé académique plus ou moins long désignaient d’avancé au choix de ceux qui seraient chargés de recruter le personnel du nouvel Institut. On jugea prudent de les reléguer dans la troisième classe et d’y créer pour eux, aussi bien que pour quelques survivons de l’Académie des inscriptions, ces quatre sections dont nous avons parlé et que l’on constitua sous