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ARISTOBULE.

Qui parle d’un cheval ?

— J’ai bu comme un Thrace ! s’écria Chéréas.

Et il roula sous la table.

Callicrate élevant sa coupe :

— Si nous ne buvons en désespérés, nous mourrons sans vengeance !

Le vieux Cotta dormait et sa tête chauve se balançait lentement sur ses larges épaules. Depuis quelque temps, Dorion semblait fort agité dans son manteau philosophique. Il s’approcha en chancelant du lit de Thaïs :

— Thaïs, dit-il, je t’aime, bien qu’il soit indigne de moi d’aimer une femme.

THAÏS.

Pourquoi ne m’aimais-tu pas tout à l’heure ?

DORION.

Parce que j’étais à jeun.

THAÏS.

Mais moi, mon pauvre ami, qui n’ai bu que de l’eau, souffre que je ne t’aime pas.


Dorion n’en voulut pas entendre davantage et se glissa auprès de Drosé, qui l’appelait du regard pour l’enlever à son amie. Zénothémis, prenant la place quittée, donna à Thaïs un baiser sur la bouche.

THAÏS.

Je te croyais plus vertueux.

ZÉNOTHÉMIS.

Je suis parfait, et les parfaits ne sont tenus à aucune loi.

THAÏS.

Mais ne crains-tu pas de souiller ton âme dans les bras d’une femme ?

ZÉNOTHÉMIS.

Le corps peut céder au désir sans que l’âme en soit occupée.