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Les négociations qu’elle avait rompues par scrupule en 1869, la France en sollicita la reprise en 1870, à la veille et au lendemain des premières batailles. Il était trop tard ; ni l’Italie ni l’Autriche n’étaient prêtes. Puis, la France était trop mal engagée ; Wœrth et Spickeren avaient refroidi nos amis. Les défaites ne nouent pas les alliances. On n’entre pas en campagne pour un vaincu. Un instant, Victor-Emmanuel, en re galantuomo, songea à marcher ; ses ministres, Lanza et Sella, étaient là pour le retenir. M. Thiers ne réussit pas mieux que le prince Napoléon. « Parce que la France s’est jetée par la fenêtre, disait M. Visconti-Venosta, ce n’est pas une raison pour que l’Italie s’y jette après elle. » Et de fait, les armées françaises captives, Paris investi, ce n’était pas assez de l’intervention de l’Italie pour faire pencher la balance en notre faveur ; l’Italie n’avait pas assez de troupes à y jeter. Son armée était loin d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Elle avait été réduite en 1869. Le cabinet de Florence eût eu de la peine à transporter au-delà des Alpes plus de 50,000 hommes, et 50.000 Italiens n’eussent pas suffi à changer la face de la guerre, Paris était trop loin, et les victoires de la Prusse avaient été trop rapides. Si lestes et si vaillans que soient les bersaglieri, un corps d’année italien ne nous eut guère plus servi que les volontaires de Garibaldi. Il eût fallu que l’entrée en ligne de l’Italie entraînât celle de l’Autriche, mais la Hofburg, non plus, n’était pas prête, et quand M. de Beust l’eût emporté, l’Autriche était bridée par la Russie. Le prince Gortchakof avait le traité de Paris à dénoncer et l’empereur Alexandre II s’était chargé de protéger les derrières de son oncle Guillaume. Laissons donc là une bonne fois, la conduite de l’Italie en 1870. Un peuple qui se jette tête baissée dans une guerre, sans consulter ses voisins, ne doit pas compter sur eux pour le tirer d’affaire.


II

« Comment avez-vous toujours tant de plaisir à retourner en Italie, alors que les Italiens doivent être si désagréables pour les Français ? » Que de fois m’a été répétée cette naïve question, comme si, au sud des Alpes, le Français était devenu un ennemi devant lequel se ferment toutes les portes. Non, vraiment, les Italiens n’en sont pas encore là avec nous ; ils ne nous font point mauvais visage. Cela, du reste, est si contraire à leur naturel que, le voudraient-ils, ils y réussiraient mal. De tous les étrangers, le Français est peut-être, encore aujourd’hui, le mieux accueilli en Italie. Demandez aux jeunes gens qui, l’an dernier, ont représenté la France au centenaire de l’université de Bologne. Maîtres et élèves ont été étonnés de la spontanéité et de l’enthousiasme de la réception faite, par la