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UN
RADICAL ANGLAIS D’AUTREFOIS

WILLIAM COBBETT

Vers la fin du mois de juin 1835 mourut dans le comté de Surrey un Anglais né en 1766, qui avait beaucoup fait parler de lui et dont on ne parle plus guère. C’était un homme de haute taille, de forte carrure, aux épais sourcils, aux petits yeux gris pleins de feu. Devenu membre de la chambre des communes, il n’y joua qu’un rôle insignifiant ; c’étaient sa plume et ses pamphlets qui l’avaient rendu célèbre. Il possédait une ferme à Farnham ; on l’y voyait arriver dans une voiture rustique, qui semblait avoir servi de perchoir à toutes ses poules et que traînaient deux chevaux-de labour. Les murs de sa petite maison étaient rouges ; lui-même avait le teint vermeil, et suivant la mode des gros fermiers du siècle dernier, il portait une large houppelande écarlate. On l’appelait toujours le radical Cobbett, et le radical Cobbett passait pour avoir des opinions aussi rouges que sa maison, son visage et son gilet.

Durant vingt-neuf ans, il avait publié une feuille hebdomadaire intitulée le Political Register ; dans ce registre, il disait leur fait, sans mâcher ses mots, aux grands seigneurs, aux ministres, à tous les puissans de ce monde, aux souverains comme aux peuples. Il avait été condamné à deux années de prison, à de grosses amendes, après quoi on l’avait laissé tranquille, et son journal, que tout le monde lisait, était