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Les échanges entre la Birmanie et l’Europe étaient donc, dès cette époque, assez importans. Au commencement du XVIIe siècle, des Anglais et des Hollandais avaient déjà des factoreries à Bhâmo, au nord de Mandalay, presque aux portes du Céleste-Empire. Une querelle s’étant élevée entre des indigènes et des Hollandais, ceux-ci commirent l’imprudence de dire qu’ils appelleraient les Chinois à leur aide. Les Birmans furent si peu effrayés de cette menace, qu’ils mirent les Européens à la porte de chez eux ; les Hollandais n’y sont plus revenus. En 1750, les Pégouans avaient atteint leur maximum de puissance : ils envahirent les territoires des républiques et des monarchies qui les avoisinaient ; ils brûlèrent Ava et, s’étant saisis de son souverain, ils le mirent dans un sac de cuir rouge, et comme s’il eût été une odalisque infidèle, ils le jetèrent dans l’Iraouaddy, où il fut noyé. Le glorieux roi des Pégouans, Alompra, partout victorieux et fondateur de la dernière dynastie birmane, eut l’honneur de voir son alliance sollicitée par la France et l’Angleterre. Notre grand Dupleix, gouverneur-général de l’Inde française, obtint l’autorisation de créer une factorerie à Syriam ; de son côté, la compagnie anglaise reçut en propriété l’île de Negrais. Ces concessions furent de courte durée : Alompra ayant été informe que les Français et les Anglais conspiraient contre lui, il les fit massacrer. Au peu endurant Alompra, succéda un roi batailleur du nom de Sin-Byoo-Shin, qui, pendant treize ans, durée de son règne, eut toujours les armes à la main ; il repoussa quatre invasions chinoises, envahit Siam, et détruisit la ville d’Ayuthi, qui en était la capitale. Il étendit son pouvoir sur les états shans jusqu’au Mékong et s’annexa Manipour. A sa mort, il surgit un tel nombre de successeurs, que deux rois éphémères et bon nombre de princes qui conspiraient furent, eux aussi, mis en sacs et noyés. En 1782, un certain Bo-daou-Payah régnant vit arriver à sa cour le capitaine Symes, envoyé en ambassade par sir John Shore, le gouverneur général de l’Inde. Le capitaine se présentait à Ava sous le prétexte apparent de resserrer les relations qui existaient entre la Birmanie et la puissante compagnie, mais, en réalité, avec l’intention d’anéantir ce qui restait de l’influence française en Asie. L’ambassadeur fut décoré d’un ordre quelconque, ce qui n’était pas une faveur bien grande ; mais avec cette distinction il obtint pour ses compatriotes l’autorisation de s’établir à Bangoun. C’était en germe, hélas ! la perte du royaume de Birmanie pour le naïf Bo-daou-Payah, « le grand père saint, » comme l’appelait le dernier prince de sa dynastie.

Un autre capitaine, Hiram Fox, envoyé en 1796, comme résident en Birmanie, fut soumis à de telles humiliations qu’il dut