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maltraite. Pour divorcer, il ne lui faut faire qu’un simple exposé de ses griefs devant les anciens du village. Ce n’est pas dans ce pays que M. Naquet passerait pour subversif et prodigieusement avancé. Ce sont les femmes birmanes qui procèdent aux ventes des récoltes ; et les Anglais, qui leur achètent du riz, prétendent qu’elles sont plus au courant des marchés que leurs courtiers. Ce sont elles encore qui dirigent l’exploitation des fermes, et leurs époux n’y prennent qu’une part très secondaire. En politique, leur rôle est moins brillant, car elles y apportent trop de passion et de haine. Le roi, que les Anglais ont si lestement détrôné, n’a dû sa chute qu’aux épouvantables tueries conseillées par sa mère et l’une de ses favorites.


II

L’empire des Birmans, divisé on haute et basse Birmanie, est d’une étendue de 230,000 kilomètres carrés, étendue trois fois aussi grande que celle de la Grande-Bretagne, l’Ecosse et l’Irlande réunies. Comme sa division l’indique, il comprend des régions absolument distinctes par leur climat et leur composition géologique. La plus importante, la plus riche en produits du sol, est celle baignée par l’Iraouaddy ; deux autres, plus stériles, sont formées de vallées où coulent sur des fonds de sable ou se brisent sur des rochers qui en rendent la navigation presque impossible, les eaux du Mékong et du Salouên. Le tout est parfaitement encadré par des montagnes couvertes de belles et sombres forêts vierges, lesquelles, à leur tour, sont divisées en deux provinces portant les noms d’Arakan et de Tenasserim. Le Mékong traverse une partie des états des Shans, dont quelques-uns sont tributaires de la Birmanie ; il arrose une magnifique plaine qui pour être fertile n’a besoin que d’une population qui lui fait depuis longtemps défaut. On sait qu’il se jette à la mer non loin de Saigon. Le Salouên écoule ses eaux, torrentueuses de sa source à son embouchure, dans le golfe de Martaban, presque toujours enserré entre de hautes montagnes sur lesquelles un arbre de grande valeur, le teck, se développe avec une profusion nulle part égalée. Comme pour le Mékong, la navigation du Salouên est presque impossible, en raison des nombreux rapides qui interrompent son cours. L’Iraouaddy, un grand et magnifique fleuve dont la source, comme celle du Nil, est restée longtemps inconnue, arrose de vastes plaines que partout il fertilise. Après avoir reçu deux affluens, le Sittang et le Kyendwin, l’Iraouaddy forme à son embouchure, située à la pointe du golfe de Bengale,