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influaient sur le résultat avec la même autorité légale que les voix des juges les mieux informés par leurs études personnelles, et par les travaux de toute leur vie ? N’était-ce pas aussi, de la part du législateur, pousser bien loin le souci de la concentration que de taire concourir toutes les classes indistinctement aux travaux, quels qu’ils fussent, dont l’Institut était chargé et d’exiger du corps lui-même un rapport annuel collectif, au lieu de demander à chaque classe un rapport sur ses travaux particuliers ? Enfin l’égalité numérique des membres résidans et des associés non-résidans, c’est-à-dire la répartition dans des proportions identiques des deux cent quatre-vingt-huit places créées par la Convention entre les savans, les littérateurs, les artistes fixés à Paris et ceux qui habitaient la province, ne correspondait assurément ni aux situations, respectives des personnes, ni à l’importance relative des travaux accomplis. A Paris, où de tout temps les plus grands talons ont été naturellement attirés, il était facile de trouver cent quarante-quatre hommes dignes de siéger dans les diverses classes de l’Institut ; mais pouvait-on, dans les villes des départemens, recruter les cent quarante-quatre autres sans abaisser forcément le niveau des conditions exigées et des mérites dont les candidats devaient avoir fait preuve ? Pour ne citer que cet exemple, la section, dans la troisième classe, de musique et de déclamation se composait réglementairement de six membres résidans et de six associés non-résidans : afin d’arriver à compléter le nombre de ceux-ci, il fallut bien se résigner aux choix les plus humbles et donner pour confrères à des maîtres universellement célèbres, tels que Méhul et Grétry, des musiciens à peu près ignorés en dehors des localités où ils exerçaient leur art tant bien que mal.

On ne tarda pas, il est vrai, à reconnaître ce que quelques-unes des théories ou des prescriptions primitives avaient au fond de trop absolu et, dans l’application, d’un moins difficile. Sept années n’avaient pas achevé de s’écouler que déjà une réforme considérable était introduite dans l’organisation décrétée vers la fin de 1795 ; mais jusqu’au jour où s’opéra ce changement (23 janvier 1803), le caractère d’unité rigoureuse que la Convention avait voulu imprimer à son œuvre fut maintenu dans son intégrité. En essayant, de raconter l’histoire de l’Académie des Beaux-Arts durant cette période, — ou plutôt de ce qui devait être un jour l’Académie des Beaux-Arts, — nous ne pourrons donc isoler complètement cette histoire des faits qui concernent l’Institut tout entier, puisque les nominations aux places vacantes dans chaque classe, les rapports à adresser au gouvernement sur les travaux en cours d’exécution ou sur les travaux accomplis, les séances mêmes ou l’on rendait compte de quelque importante découverte faite au dehors, — tout alors était commun