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de plus explicable sans doute, mais aussi rien de moins propre à justifier les efforts assez récemment tentés par quelques historiens pour réhabiliter au point de vue de l’art la période révolutionnaire, même à ses plus horribles momens.

Non, quoi qu’on en ait dit, quelques informations nouvelles qu’aient prétendu nous donner à ce sujet des écrivains aussi convaincus que M. Jules Renouvier[1], aussi prompts à l’enthousiasme que M. Eugène Despois[2], l’époque comprise entre le renversement de l’Académie de peinture et la fondation de l’Institut de France a été dans notre pays, pour l’art comme pour les lettres, une époque de perturbation pure et de violences stériles. Qu’y a-t-il dans les rares œuvres des peintres ou des sculpteurs alors à leurs débuts qui se ressente de l’élan héroïque imprimé ailleurs au génie de la nation ? A l’heure des formidables luttes si glorieusement soutenues aux frontières par des soldats et des généraux improvisés, où trouver, dans le domaine de l’art, l’équivalent de cette renaissance spontanée, de ces efforts, de ces succès ? Sans parler des innombrables monumens du passé détruits par des mains stupides ou systématiquement sacrilèges, quels faits à l’honneur de notre école signalent les années qui se succèdent et les recommandent aux respects de la postérité ? Tristes années où les talens qui s’étaient à une autre époque produits avec le plus d’éclat s’avilissent ou tout au moins se compromettent dans des travaux indignes d’eux ; où le peintre des Horaces et de la Mort de Socrate descend au rôle de panégyriste de Marat ; où d’anciens sculpteurs du roi et un graveur délicat comme Saint-Aubin fabriquent au jour le jour, celui-ci des vignettes appropriées aux mœurs et à l’esthétique des sans-culottes, ceux-là des bustes de Brutus pour les clubs ou des figures pour les autels de la déesse inventée par Chaumette ; un Grétry enfin s’associe à Sylvain Maréchal pour outrager effrontément sur la scène la religion et la morale, et de cette même plume qui naguère écrivait Richard-Cœur-de-Lion, écrit maintenant la musique, heureusement bien médiocre, d’ignobles pantalonnades telles que le Congrès des rois et la Fête de la Raison !

Cependant, à côté de la Société populaire et républicaine des arts, sorte de club sans attributions bien précises, sans autre pouvoir effectif que celui de propager les idées révolutionnaires par des procédés de rhétorique jacobine ou par des menaces aux indifférens, deux autres sociétés ou plutôt deux institutions fonctionnaient, ayant chacune un caractère officiel et une autorité

  1. Histoire de l’art pendant la Révolution, Paris, 1863.
  2. Le vandalisme révolutionnaire, Paris, 1868,