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ont adressé ses confrères, il répond par ce laconique billet : « Je fus autrefois de l’Académie, » bien qu’en fait il lui appartienne encore et, que l’animosité seule, non une démission formelle, l’en ait jusque-là séparé. Un autre jour, il dicte et fait déposer par les artistes « indépendans, » qu’il tient en réalité sous sa dépendance, une pétition à l’assemblée nationale déclarant sans plus de façons que l’Académie « ne peut subsister avec la liberté. » Enfin quand David en est venu à siéger lui-même parmi les législateurs, quand son titre de député de l’avis lui a permis de passer de la théorie à l’action et des menaces à l’attaque directe, la tribune de la convention retentit par sa voix d’accusations furieuses contre les personnes ou de lamentations emphatiques sur l’état présent des choses. Tantôt il emprunte les procédés de discussion et le langage de son « ami » Marat pour « montrer dans toute sa turpitude l’esprit de l’animal qu’on nomme académicien, » tantôt il le prend sur le ton élégiaque pour « intéresser la sensibilité » de ses collègues à la cause des victimes de l’Académie. Il leur raconte la triste aventure et la fin d’un jeune sculpteur « dont l’amour avait guidé la main » lorsqu’il travaillait à son dernier ouvrage, et que, malgré cela, l’Académie avait refusé d’admettre au nombre de ses agréés. De là un mariage manqué et, comme conséquence, le suicide du jeune artiste, les parents de celle qu’il aimait ayant mis pour condition expresse à leur consentement le succès qu’il n’avait pu obtenir, et lui, de son côté, ne s’étant pas senti la force de survivre à la perte de ses tendres espérances. Rien de plus apitoyant sans doute, mais suivait-il de là, d’une part, que l’Académie eût mal jugé, et, de l’autre que sa fonction générale et son organisation fussent mauvaises ? Quoi qu’il en soit, l’exemple choisi par David pour résumer les méfaits de ses confrères acheva, parait-il, de convaincre la convention, puisque ce fut dans la séance où on le lui avait cité (S août 1703) qu’elle décréta la suppression de l’Académie de peinture et, du même coup, celle de toutes les autres Académies.

Il était naturel au surplus qu’un même sort fût fait aux diverses Académies, également suspectes depuis quelque temps déjà, maintenant reconnues coupables, et coupables au même titre, non seulement parce que David las avait signalées en bloc comme « le dernier refuge de toutes les aristocraties, » mais parce que chacune d’elles avait trouvé, soit comme l’Académie de peinture, dans ses propres rangs, soit au dehors parmi les hommes politiques, des dénonciateurs pour révéler ses prétendus attentats contre la liberté et pour en réclamer le châtiment. N’était-ce pas en effet un membre de l’Académie française, Chamfort, qui, dans une brochure acrimonieuse, avait le premier persillé