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sculpteurs du roi, de la reine ou des princes, et dont quelques-uns pouvaient, comme tels, obtenir de la faveur royale l’exemption partielle ou totale de certains impôts. Par leur situation même d’officiers de la maison du roi, les brevetaires ne se trouvaient pas assujettis aux règlemens de la maîtrise : aussi, la jalousie de celle-ci, depuis le règne de Charles VI jusqu’à la fin du règne de Louis XIII, ne cessa-t-elle guère de les poursuivre et de chercher par tous les moyens à entraver leur indépendance relative. Enfin, c’est à la troisième classe qu’appartenaient tous ceux qui ne s’étaient encore ni affiliés à la maîtrise, ni assez distingués pour mériter d’être attachés à la maison du roi.

Nous avons dit que la guerre avait été déclarée de bonne heure par les maîtres-jurés aux brevetaires et que, de tout temps, ceux-ci avaient eu fort à faire pour résister aux prétentions ou aux tentatives usurpatrices de leurs prétendus rivaux. Malgré les procès fréquemment intentés, malgré les arrêts de la justice prévôtale et des autres pouvoirs judiciaires, malgré le Châtelet et le Parlement, les choses pourtant étaient restées à peu près dans le même état que par le passé et les parties en présence aussi peu en mesure de faire prévaloir leur cause ou d’exercer leurs droits respectifs ; mais le moment vint où il fallut bien sortir des équivoques et trouver dans une organisation nouvelle des arts en France un remède à des abus et à des querelles qui menaçaient de se perpétuer.

Ce fut la maîtrise elle-même qui, par l’audace croissante de ses exigences, fournit à ses adversaires l’occasion qu’ils cherchaient de couper court à ses entreprises et d’annuler une fois pour toutes son autorité. Le 1er janvier 1619, elle présenta au roi en son conseil une requête en trente-quatre articles tendant à l’extension presque illimitée de ses prérogatives. Outre les prescriptions, défenses et prohibitions des anciens statuts, qu’elle rappelait en y ajoutant des mesures de détail plus rigoureuses encore, outre l’interdiction, par exemple, « à toute personne, de quelque condition qu’elle fût, de faire venir aucun tableau des Flandres ou d’ailleurs, » et de vendre, en ville ou dans sa maison, un objet quelconque peint ou sculpté, à moins d’y avoir été expressément autorisé par un maître, — la pièce contenait, à l’adresse directe des brevetaires, la mise en demeure pour eux « de ne point ouvrir boutique ; » attendu qu’obligés par leur charge même de suivre en tous lieux le roi ou les princes de qui ils tenaient leurs brevets, ils ne pouvaient avoir, comme les maîtres, une résidence fixe à Paris.

Quelque exorbitantes qu’elles fussent, les prétentions des maîtres-jurés choquèrent si peu les magistrats appelés à donner