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C’était dans ce collège que le père et les oncles de Richelieu avaient fait leurs études. Il passait pour l’une des meilleures parmi ces antiques maisons d’éducation qui se pressaient sur la montagne Sainte-Geneviève. Leduc d’Anjou, plus tard Henri III, Henri de Bourbon, plus tard Henri IV, y avaient quelque temps figuré parmi les écoliers.

A l’époque où le jeune Armand du Plessis y entrait à son tour, c’est-à-dire vers 1594, ce collège était bien déchu de son antique splendeur. Les longs désordres de la ligue avaient suspendu la vie de l’Université parisienne. Les collèges avaient dû renvoyer leurs élèves. Durant les deux sièges, leurs grands bâtimens vides s’étaient remplis de vagabonds, de soldats, de paysans fuyant les campagnes. « Vous n’oyez plus aux classes ce clabaudement latin des régens qui obtondoient les oreilles de tout le monde. Au lieu de ce jargon, vous y oyez à toute heure du jour l’harmonie argentine et la vraie idiome des vaches et veaux de fait ou le doux rossignolement des ânes et des truies qui nous servent de cloches. »

La plupart des professeurs s’étaient enfuis, et les histoires spéciales citent avec grands éloges ceux d’entre eux qui, par amour du devoir ou par attachement à la prébende, étaient restés à leur poste. Les cours ne furent repris dans les collèges qu’après 1594. Mais les suites funestes d’une si longue interruption ne disparurent que bien lentement.

Ainsi les premières impressions d’Armand du Plessis, en arrivant à Paris, ne différèrent pas de celles que son enfance avait reçues dans sa province : partout le spectacle de la ruine, de la misère, de la désolation, conséquences du désordre public et de l’indiscipline sociale.

Entré à Navarre, il poursuivit ses études selon les programmes et les méthodes alors en usage. On ne le destinait nullement à l’église. Sa première éducation fut purement laïque. Ébauchée au collège, elle devait se terminer à l’Académie.

Les cours ordinaires se divisaient en trois parties : la grammaire, les arts, la philosophie. Pour un gentilhomme, il n’était guère question que des deux premières facultés. Il fallait, en effet, le pousser pour que l’Académie le reçût encore jeune et souple et le rendit de bonne heure à une carrière généralement très hâtive.

Les exercices de la grammaire duraient deux ou trois ans. Outre le catéchisme et les exercices religieux, les enfans apprenaient le rudiment, c’est-à-dire les règles de la langue latine. Même dans le cours ordinaire de la vie, les écoliers étaient tenus de parler latin. Les élèves s’élevaient ensuite à l’explication des auteurs, en commençant par les Épîtres familières de Cicéron, les Comédies de Térence, les Eglogues de Virgile. En quatrième, on abordait les